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la main-d’œuvre à bon marché, ont eu le malheur, faute d’efforts persévérans, de se laisser encore ici supplanter par l’Angleterre. La ganterie de soie, que la mode avait jadis délaissée et qu’elle semble vouloir reprendre, s’est mieux entendue à améliorer sa fabrication. D’installation beaucoup plus récente à Nîmes que la confection des bas, cette industrie forme, soit dans la ville même, soit dans les montagnes voisines, un élément de travail assez notable[1]. Les ouvriers bonnetiers de Nîmes, quelquefois réunis en atelier, travaillent le plus souvent chez eux en famille ; leur besogne monotone est plus ennuyeuse que fatigante, aussi est-elle une des moins rétribuées du pays.

Les tissus en soie pure ou mélangée, derniers restes de la vieille fabrication locale, considérablement modifiée depuis le XVIe siècle, ne comprennent plus aujourd’hui que des foulards et fichus imprimés, des cravates en gros de Naples ou en taffetas noir, quelques rares étoffes pour robes, et enfin un genre spécial de tissus unis, à carreaux, ou lamés en or, en argent, en cuivre. Ces tissus, qui sont destinés à l’Algérie et à la côte d’Afrique, méritent, à cause de leur destination, une mention spéciale : ils se fabriquaient a Nîmes, mais en très-petite quantité, sous le nom de mouchoirs du Levant, même avant la conquête de l’Algérie. Remarquablement améliorés depuis quelques années, ils éclipsent tout à fait les produits similaires, autrefois célèbres, de Tunis et de Tripoli. Il y a là de riches écharpes rayées et mêlées de fils d’or ou d’argent, des turbans de 5 ou 6 mètres de long, des robes communes à couleurs bizarrement mêlées et qu’on noue tout simplement sur la hanche[2]. En dehors de ses relations avec les Arabes, Nîmes ne conserve plus guère qu’en Espagne et en Italie quelques débris de ce commerce extérieur, jadis si profitable à ses fabricans de châles et à ses fabricans de bas : l’intérieur forme le principal marché de ses produits. Toulouse, Bordeaux et Bayonne, dans le midi de la France, sont des centres d’importantes affaires qui

  1. On peut évaluer la production annuelle à 90,000 douzaines de gants de soie et 35,000 de gants de filet, etc.
  2. Quelquefois on met du cuivre dans certains tissus communs. Quand on a commencé à employer ce métal, les consommateurs africains l’ont pris pour de l’or et ont été dupes de leur erreur. Aujourd’hui ces fraudes criminelles ne sont plus possibles, et les prix sont fixés en raison de la matière ; mais le commerce des tissus en Algérie, de quelque lieu que soient tirés ces articles, est encore exposé à des pratiques frauduleuses, provenant surtout de l’initiative des Juifs arabes, par les mains desquels passe tout le négoce local. Ces marchands, qui ont dans les cités et les bourgades de l’Afrique des boutiques où s’entassent pêle-mêle les objets les plus disparates, où le client n’entre jamais et achète par la fenêtre, viennent en France deux fois par année pour leurs approvisionnemens. Le plus grand nombre est sans cesse à la piste de nouveaux moyens de tromperie que doit repousser la loyauté comme l’intérêt de nos fabricans.