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déployer, eussent ainsi frustré sa maison du brillant avenir qui semblait alors s’ouvrir devant elle.

Tel était le roi que les puissances alliées avaient donné à la Belgique en la réunissant à la Hollande, et il suffit de considérer son humeur, ses goûts, ses défauts, la nature même de ses qualités, pour ne point s’étonner des fautes nombreuses qui rendirent inévitable la séparation des deux parties du royaume. Nous ne chercherons pas à retracer ces quinze ans de règne, sur lesquels le livre qui nous occupe, contenant plus de réflexions que de documens, ne nous offrirait rien à ajouter aux faits déjà recueillis par l’histoire ; mais nous y trouvons sur les évènemens même accomplis en 1880 et dans les années suivantes quelques anecdotes intéressantes et curieuses.

M. le comte de Mercy-Argenteau, grand chambellan de la cour, avait depuis deux années adressé au roi des conseils dictés par la prudence. Dix jours avant l’insurrection de Bruxelles., voyant Guillaume partir pour le château de Loo, il s’efforça de lui faire comprendre la gravité des circonstances et le danger de cet éloignement. « Sire, lui disait-il au moment où le roi montait en voiture, une chose m’inquiète vivement : les autorités ici ne s’entendent point. Il y a trois polices qui se croisent et se nuisent réciproquement, et pas une qui soit bonne. D’un jour à l’autre, une explosion peut avoir lieu. Qui commandera ? qui dirigera ? » Le roi donnait des signes d’impatience ; la montre à la main, il semblait surtout préoccupé du souci de ne pas manquer à l’exactitude qu’il s’imposait avec une sorte de pédantisme, et il se contentait de répondre : « Oui, oui, vous avez raison, ils ne s’entendent pas trop ; mais il faut voir encore, et j’espère que cela s’arrangera mieux que vous ne pensez. » M. de Mercy, à la fois altéré et indigné, fit une profonde révérence en disant : « Sire, je l’espère aussi. » A quelques pas de là, le prince Frédéric ne répondait qu’en haussant les épaules au général qui lui faisait de son côté un rapport sur l’insuffisance de ses ressources militaires, et lui demandait des ordres pour le cas d’un mouvement populaire auquel on s’attendait, le père et le fils quittèrent Bruxelles, que le premier ne devait jamais revoir, et dont le second devait seulement attaquer les faubourgs au mois de septembre suivant. Le mouvement éclate dans la nuit du 25 au 26 août. Aucune précaution n’a été prise. Le roi, les princes et les ministres sont absens. Bruxelles tombe bientôt au pouvoir des insurgés. Une députation se rend auprès du roi pour lui exposer les griefs de la Belgique. Que demande-t-elle ? La responsabilité et le contre-seing ministériels, le renvoi de quelques ministres, et en particulier de M. Van Maanen. Le roi répond, sur le premier point, que la loi fondamentale n’a pas consacré ces théories, et qu’il pourra y avoir lieu de consulter à cet égard les états-généraux