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rapport sur l’amendement serait fait, la chambre des lords contredirait son comité, et qu’ainsi l’affaire, aurait bonne issue, sauf un petit accroc a la réputation du lord trésorier. J’ai dîné avec le docteur Coekburn, et il est venu après dîner un membre écossais qui nous a dit que l’amendement avait passé contre la cour à la chambre des lords, à près de 2 voix contre 1. Je suis immédiatement allé chez Mme Masham, et, rencontrant le docteur Arbuthnot, le médecin favori de la reine, nous sommes entrés ensemble. Elle ne faisait que d’arriver, ayant assisté au dîner de la reine, et pour prendre le sien. Elle n’avait rien entendu dire de notre échec. Il parait que le lord trésorier a poussé la négligence jusqu’à rester avec la reine pendant que la question se décidait à la chambre. J’ai dit aussitôt à Mme Masham qu’où bien elle et le lord trésorier s’étaient réunis à la reine pour nous trahir, ou que tous deux ils étaient trahis par elle. Elle m’a protesté solennellement que la première supposition était fausse, et je l’ai cru, mais elle m’a donné quelques indices du changement de la reine : car hier, quand la reine sortait de la chambre, où elle était venue entendre le débat, le duc de Shrewshury, lord chambellan, lui a demandé si c’était lui ou le grand-chambellan Lindsay[1] qui devait la conduire à sa sortie. « - Aucun de vous deux, » a-t-elle répondu brièvement, et elle a donné la main au duc de Somerset, qui était plus violent que personne dans la chambre pour la clause contre la paix. Elle m’a cité encore un ou deux exemples du même genre, qui me donnent la conviction que la reine est de mauvaise foi ou du moins fort incertaine. M. Masham nous a priés de rester, parce que le lord trésorier devait venir, et nous avons pris la résolution de tomber sur lui, à propos de sa négligence à s’assurer la majorité. Il est arrivé, et s’est montré de bonne humeur, suivant son usage ; mais j’ai trouvé que sa contenance était fort abattue. Je me suis moqué de lui et lui ai demandé sa baguette ; il me l’a donnée, et je lui ai dit que s’il voulait me la laisser une semaine, je remettrais tout en ordre. Il m’a demandé comment. » - Je chasserais immédiatement lord Marlborough, ai-je dit, ses deux filles, le duc et la duchesse de Somerset, et lord Cholmondley, » et j’ai ajouté qu’il n’avait pas, je crois, un ami qui ne fût de mon opinion. Arbuthnot lui a demandé comment il en était venu à n’avoir pas de majorité assurée : il n’a rien pu répondre, si ce n’est qu’il ne pouvait empêcher les gens de mentir et de manquer de parole. Pauvre réponse pour un grand ministre. Puis il a laissé échapper ce mot de l’Écriture : « Les cœurs des rois sont impénétrables ! « Je lui ai dit alors que c’était précisément ce que je craignais, et que j’apprenais de lui la plus mauvaise nouvelle qu’il me pût donner. J’ai cependant voulu savoir en quoi il plaçait sa confiance. Il a hésité un peu, puis, il m’a dit de n’avoir pas peur, et que tout irait bien. Nous voulions lui faire manger quelque chose sur place, mais il a voulu rentrer, il était six heures passées ; il m’a emmené avec lui, et nous avons trouvé chez lui son fils et M. le secrétaire (Saint-John). Il a fait faire à son fils une liste de tous ceux de la chambre des communes qui ont des places et qui cependant ont voté contre la cour, comme s’ils devaient être destitués ; mais j’ai grand doute, qu’il soit capable, d’en venir à bout. Le lord garde du sceau

  1. On sait que les titres de grand-chambellan et de lord chambellan désignent des offices différens. Le premier est héréditaire, le second est politique.