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alliés à une assurance générale de leur donner satisfaction. Aucune puissance allemande, la Hollande elle-même, ne trouvait ses intérêts expressément garantis, Le gouvernement s’occupa donc de refroidir, d’indisposer même la nation anglaise contre ses alliés, pour qu’elle fermât l’oreille à leurs plaintes. La presse ministérielle eut fort à faire. C’est alors que Swift composa, sous les yeux du secrétaire d’état, son pamphlet intitulé : La Conduite des alliés et du dernier ministère (27 novembre 1711). C’est un de ses meilleurs écrits politiques, et il agit fortement sur l’opinion. Il s’en vendit en peu de temps dix-sept mille exemplaires. Les suites ruineuses d’une longue guerre, la duperie funeste d’en supporter les frais et les dangers pour d’égoïstes alliés, sont des sujets qu’on rend aisément populaires. Arbuthnot, inspiré par Swift, les traita sous une forme comique, avec beaucoup de verve et de succès, dans son Histoire de John Bull. C’est une parodie où la ligue entre l’Angleterre et la Hollande contre les Bourbons est travestie en un procès intenté par Bull (taureau) et Frog (grenouille), pour disputer l’héritage de lord Strutt (lord glorieux) à Louis et Philippe Baboon (babouins), et cette plaisanterie, fort accommodée au goût national, conclut à cette moralité : « La chicane est un fossé sans fond. »


XI

Cependant le ministère si bien défendu ne se sentait pas encore vainqueur. En ouvrant le parlement (6 décembre 1711), la reine fut obligée de faire des déclarations de fidélité à tous ses engagemens, et ne put que lancer un trait contre ceux qui prenaient plaisir à la guerre. On avait de grandes inquiétudes sur l’adresse des lords. Dans cette chambre dominait Marlborough. Il n’avait pas caché à la reine sa désapprobation, mais sans l’ébranler le moins du monde. À lui, à ses partisans, s’unissaient dans cette question quelques anciens amis de la haute église qui ne trouvaient pas qu’on eût préparé à l’Angleterre une paix digne de ses victoires. À leur tête figurait lord Nottingham, esprit inconséquent et disparate, fervent ennemi des dissidens, mais que son zèle religieux attachait à la maison de Hanovre, et qui, en vrai protestant, tenait les Bourbons pour ennemis. Il se formait un nouveau parti que les ministres appelaient le parti des capricieux, whimsicals, et qu’on désigna sous le nom de tories hanovriens. Cette défection se manifestait toutes les fois qu’elle trouvait compromis les intérêts de la princesse Sophie et de son fils l’électeur. Elle s’appuyait à la cour sur le duc et la duchesse de Somerset. Le duc était grand-écuyer. Après avoir, par suite d’une