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et pliables dans ses mains pour réaliser ses grands desseins. Cette politique personnelle était guerrière. Les opinions et les passions des whigs s’y étaient accommodées, et le mouvement imprimé aux affaires par l’extension de la dette et la circulation des effets publics, par cette sorte d’activité commerciale que la guerre développe, avait rattaché à ce système tout ce qui spécule dans les grandes villes, tout le monde financier, moneyed interest, lié dès longtemps aux opinions des whigs. Tel n’était pas le monde foncier, l’intérêt territorial, landed interest, c’est-à-dire le fond permanent de la nationalité anglaise. Par leurs idées, leurs goûts et leurs calculs, les propriétaires des champs, surtout la classe moyenne des provinces, ne cherchaient ni les nouveautés, ni les aventures. Une politique conservatrice et pacifique était leur politique naturelle. Ils avaient pu accidentellement, par entraînement ou par nécessité, consentir à la révolution, acquiescer à la guerre ; mais pousser l’une ou l’autre à outrance n’était pas de leur goût. Une réaction contraire s’était dès longtemps manifestée parmi eux. Or là était, aux yeux de Saint-John, l’intérêt continu et général de la société, le véritable esprit anglais, fidèle aux traditions de la monarchie et de l’église. C’est dans ce milieu qu’il fallait replacer le gouvernement, c’est sur ce point d’appui qu’il fallait le poser. Suivre ou plutôt conduire le mouvement qui ramenait ainsi l’Angleterre à elle-même, telle devait être la politique du cabinet de 1710 ; et si dans cette direction il se rencontrait, chose inévitable, avec le parti des rois exilés, si, comme on devait s’y attendre, les intérêts et les principes jacobites servaient cette politique ainsi qu’ils en étaient servis, il ne fallait pas repousser cette sorte d’auxiliaires, il ne fallait ni s’effrayer, ni se formaliser puérilement de leur secours. Tout au contraire, le moyen devait être accepté en faveur du but ; le mouvement donné devait être suivi à tous risques ; rien ne devait être exclu de ce qui pouvait rasseoir sur ses véritables bases le gouvernement national.

C’est quelques années plus tard que Saint-John donnait de sa conduite une explication systématique qui ressemble à ce qu’on vient de lire. Au moment de l’action, il pouvait bien appeler en aide à ses combinaisons de parti et d’ambition quelques idées générales, c’est un besoin de tous les temps pour les esprits distingués : on aime à trouver la maxime de ses actions ; mais il est probable que les circonstances, les engagemens parlementaires, l’état de la cour, les caractères, les goûts, les antipathies, les doutes qui planaient encore sur la succession au trône, la possibilité d’une contre-révolution entrevue ou cherchée, l’intérêt de la défense, le besoin du succès, le désir d’une revanche, mille causes particulières enfin contribuèrent encore plus puissamment à déterminer elle langage et la marche du