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très tard qu’ils ont souscrit à la première livraison du Voltaire, et qui la réclament impérieusement. Réponse de Beaumarchais :


« MM. Betman et Desclaux, négocians à Bordeaux, sont de drôles de souscripteurs : c’est en avril 1791 qu’ils se réveillent en sursaut pour demander la première livraison des œuvres du grand homme, souscrites il y a douze ans, commencées il y a plus de sept ans, et achevées il y a plus de deux ans. Si cet ouvrage eût été relié en sucre ou en café, il y a longtemps que l’œuvre entière serait enlevée ; n’importe, elle leur est due… »


Plus loin, c’est M. Laustin, qui se dit président des traites foraines à Rethel-Mazarin en Champagne, et qui traite Beaumarchais du haut en bas en lui demandant toutes sortes d’explications, bien qu’il ne soit qu’un souscripteur de troisième main. Réponse de l’éditeur de Voltaire :


« Paris, ce 4 août 1789.

« Il n’y a peut-être que vous, monsieur le président, qui ne sachiez pas ce que nous avons appris à l’Europe entière, il y a près d’un an, par la voie des gazettes étrangères, les françaises nous étant alors fermées : savoir que toutes les éditions du Voltaire sont achevées et en pleine livraison au dernier volume près, contenant sa vie et la table des matières qui sera distribuée à part.

« Il n’y a peut-être que vous, monsieur, qui ignoriez aussi que les deux loteries gratuites composant ensemble un présent de 200,000 francs fait par nous à nos souscripteurs ont été tirées publiquement à leurs époques, il y a plus de trois ans ; que pour l’édition in-8o, tous les numéros portant un 4 à l’unité, et pour la deuxième édition in-12 tous ceux portant un 6 ont gagné des lots constatés en argent ou en exemplaires et qui sont payés à mesure qu’on se présente pour les recevoir.

« Il n’y a peut-être que vous enfin qui ne sachiez pas même qu’il reste à livrer aux souscripteurs de l’in-12 vingt-quatre volumes et non pas treize. On peut bien ignorer ces choses à Rethel-Mazarin en Champagne, quand on n’y lit pas les papiers publics ; mais ce qu’on doit savoir en tout pays, monsieur, c’est qu’avant de donner des leçons d’équité aux autres, on ferait bien d’examiner si l’on n’a pas besoin soi-même de quelques leçons de prudence, de discrétion et de politesse, car ce n’est pas assez d’être président des traites foraines à Rethel-Mazarin en Champagne, il faut être honnête avant tout : c’est une chose convenue.

« Mais puisque, malgré vos judicieux mécontentemens, vous voulez bien me faire encore la grâce de vous dire mon serviteur avec les sentimens les plus parfaits, permettez-moi, pour n’être point en demeure avec vous, de vous assurer que je suis avec la reconnaissance la plus exquise de vos leçons,

« Monsieur le président des traites foraines, etc., votre très humble, etc.,

« Caron de Beaumarchais,
« Soldat citoyen de la garde bourgeoise de Paris. »


Tel est le genre de conversation que Beaumarchais entretient avec