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que je m’applaudis tous les jours davantage d’avoir pu contribuer à prévenir ce malheur. »

Quant aux accusations dirigées contre Silas Deane, M. Gérard les attribue à l’esprit d’ostracisme, « qui, dit-il, a déjà commencé à prévaloir contre les hommes qui ont rendu des services importans, lorsqu’ils ont cessé d’être nécessaires. » Malgré l’appui de M. Gérard, Silas Deane n’obtint en effet qu’une demi-victoire. Il fut déchargé de toute accusation, et on lui alloua pour ses dépenses personnelles 500 livres sterling par an pour le temps qu’avait duré sa mission en France, mais il ne fut fait aucune mention de ses services. On décida qu’il retournerait en Europe régler tous ses comptes, mais sans aucun titre officiel. « C’est l’ostracisme, écrit derechef M. Gérard à M. de Vergennes, c’est l’ostracisme le plus dur et le plus réfléchi. On ne pense pas à répondre aux lettres que vous avez écrites en sa faveur. »

De son côté, Silas Deane écrit à Beaumarchais : « J’ai été traité ici d’une façon à laquelle ni vous, ni mes amis, ni même mes ennemis ne s’attendaient. Cependant je ne doute pas que l’Amérique ne finisse par devenir plus équitable envers vous ainsi qu’envers moi. » Le congrès, en effet, commençait à ne plus avoir autant de confiance dans les rapports d’Arthur Lee. Il était d’ailleurs partagé entre le désir de ne point payer les anciennes fournitures et l’envie d’en recevoir de nouvelles. Or l’agent de Beaumarchais, Francy, déclarait que son patron n’enverrait plus rien, à moins qu’on ne reconnût sa créance pour le passé, et qu’un contrat, bien en règle ne le garantît contre toute difficulté pour l’avenir. Le contrat qui devait satisfaire à cette dernière condition avait été passé le 6 avril 1778, entre les membres du comité du commerce et Francy agissant au nom de Beaumarchais. Seulement le congrès, toujours défiant, ordonna que le contrat serait envoyé à Paris et ne serait ratifié qu’après que la députation américaine aurait obtenu du ministre des affaires étrangères une réponse catégorique sur la question de savoir si Beaumarchais était bien réellement créancier du congrès pour les 5 millions de cargaisons déjà expédiées, ou si ces cargaisons, comme n’avait cessé de l’affirmer Arthur Lee, étaient un don gratuit de la part du gouvernement français. Une note fut présentée dans ce sens à M. de Vergennes le 10 septembre 1778, par les trois commissaires Franklin, Arthur Lee, qui n’était pas encore rappelé, et John Adams, qui venait d’être envoyé à Paris pour remplacer Silas Deane. Voici la réponse du ministre ; elle est adressée à M. Gérard, représentant de la France aux États-Unis, qui était chargé de la transmettre au congrès.


« Les commissaires du congrès viennent de m’adresser un office qui renferme deux objets : le premier concerne l’apurement du compte de M. de Beaumarchais