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distinguait pas par des allures très précises, on y remarquait néanmoins, comme une inspiration toujours présente, le plus vif sentiment de la dignité de l’homme. Cette inspiration s’est fortifiée depuis 1848, et M. Hermann Fichte prend aujourd’hui une des meilleures places dans ce groupe d’écrivains qui veulent relever la science avilie. L’ouvrage que M. Hermann Fichte a publié en 1850 est intitulé Ethique. Le premier volume, le seul qui ait paru, est une histoire de tous les systèmes de morale qui se sont produits depuis cent ans. C’est depuis cent ans en effet, c’est depuis le mouvement du XVIIIe siècle que l’esprit humain, révolté contre le christianisme, a été incessamment en travail d’une loi nouvelle. Jamais prétentions plus hautaines ne se sont déployées dans le domaine de l’esprit, jamais plus d’affirmations contraires n’ont tenu en suspens les intelligences déroutées. On n’avait pas encore résumé dans un tableau d’ensemble cette étonnante mêlée philosophique ; M. Hermann Fichte a entrepris cette tache, et il y a fait preuve d’une sagacité remarquable. Les métaphysiciens allemands depuis Kant, les psychologues anglais et écossais, les publicistes et les réformateurs de la France, depuis Montesquieu et Rousseau jusqu’aux écoles contemporaines, sont caractérisés par M. Hermann Fichte avec précision et vigueur. Ce n’est pas une histoire abstraite de la philosophie, c’est une histoire vivante ; l’auteur se préoccupe surtout de l’application des doctrines. C’est ainsi qu’il peut réunir tant de doctrines contraires et composer une œuvre d’une vigoureuse unité. Sévère pour les théories dangereuses et pour les divagations incohérentes, M. Hermann Fichte ne perd jamais de vue l’inspiration pratique de son travail ; il cherche avant toutes choses à extraire des systèmes des maîtres toutes les vérités durables. L’Allemagne s’est longtemps moquée de l’éclectisme, c’est-à-dire de l’esprit même du XIXe siècle, et elle a affecté de n’y voir qu’un syncrétisme sans idéal ; elle y revient aujourd’hui, comprenant enfin que ces orgueilleux systèmes, composés tout d’une pièce, ne vaudront jamais les vérités lentement acquises et contrôlées en quelque sorte par la grande épreuve de la vie. Quelle lumière guidera M. Hermann Fichte dans cette confuse mêlée des opinions ? Tout philosophe éclectique a besoin d’un principe supérieur ; l’idée qui inspire M. Hermann Fichte est excellente ; son but, il le déclare sans détour, c’est le perfectionnement moral du genre humain, toute idée, toute doctrine qui peut contribuer à ce résultat doit être relevée avec honneur et séparée des erreurs qui la déparent. C’est ainsi qu’il revendique la belle conception du devoir si fortement établie par le philosophe de Koenigsberg ; c’est ainsi qu’avec une piété touchante et une impartialité respectueuse, il juge les sublimes écrits de son père, et maintient comme éternellement acquises tant de nobles théories sur la destination religieuse et scientifique de l’homme. Partout, dans tous les pays, dans toutes les écoles dignes de ce nom, chez M. Stahl et M. de Saviguy comme chez Kant et Fichte, chez Baader et Krause comme chez Schleiermacher et Schopenhauer, chez Dugald-Stewart et Reid comme chez Montesquieu et Rousseau, il cherche et il est heureux de trouver des principes qui ont contribué à l’éducation morale des esprits. Quand l’intention seule est digne d’éloges, il signale la bonne volonté du penseur et soumet ses travaux à une critique résolue. C’est ainsi que les écrits de l’école mystique et piétiste, les écrits d’Adam Müller et de M. Stahl trouvent chez lui un juge à