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on n’avait jamais imprimé de livre français. M. de Capellen se chargea des corrections et de tous les détails de cette publication : il y employa beaucoup de temps ; l’écriture du manuscrit était si peu lisible, qu’il lui fallut recopier tout l’ouvrage avant de livrer les feuilles à l’imprimerie. Ce monarque devenu romancier, cet ancien ministre copiste et correcteur d’épreuves, ce sont là des scènes qui n’appartiennent guère qu’à notre temps.

Cependant la campagne de Russie se préparait ; le roi Louis en prévit les conséquences funestes. Deux sentimens se combattaient en lui : le souvenir des injures qu’il avait reçues d’un frère impérieux, et sa sympathie pour la gloire de Napoléon et de la France. Plus d’une fois il fut invité à revenir à Paris, mais il s’y refusa. Le rôle de roi exilé le flattait plus que les honneurs vulgaires qui l’attendaient en France.

Après une année de séjour, M. de Capellen, rappelé en Hollande par ses affaires et ses intérêts domestiques, annonça au roi l’intention de le quitter. Cette communication fut mal accueillie ; Louis Bonaparte ne put se défendre de cet esprit ombrageux que ses serviteurs avaient toujours remarqué en lui. « Il me dit, raconte M. de Capellen, qu’il s’apercevait qu’il avait été ma dupe, que je n’étais venu le voir que pour l’espionner, et que, malgré toutes mes protestations contraires, il était sûr qu’à mon retour en Hollande il verrait ma nomination au conseil d’état ou à un autre poste, et que je finirais par me moquer de mon ancien roi. » Un pareil soupçon indigna M. de Capellen. Il répondit à cette apostrophe par écrit, avec mesure, mais avec fermeté, et la séparation se fit dans ces dispositions peu affectueuses.

M. de Capellen démentit les injurieuses suppositions du roi, et ne démentit pas son caractère. Ce fut seulement après que la Hollande eut été rendue à elle-même par les évènemens de 1813, qu’il reprit des fonctions publiques, Le nouveau souverain de la Hollande l’avait institué en 1814 son commissaire général dans la Belgique, dont il attendait la royauté. Il l’envoya ensuite au congrès de Vienne pour défendre ses états héréditaires allemands, et en outre pour adhérer au traité secret qui venait de se conclure entre la France, l’Angleterre et l’Autriche, en vue de résister aux exigences de la Russie et de la Prusse. Il était chargé de promettre 40,000 hommes au nom de son maître.

Le 14 juin 1815, M. de Capellen était à Bruxelles, remplissant les fonctions de gouverneur général sous le titre de secrétaire d’état, lorsque le prince d’Orange, venu à Bruxelles de Nivelles, où il avait son quartier général, pour assister à un grand bal chez le duc de Richmond, l’informa le premier que les Français avaient passé la