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et les autres races à laine courte ensuite, et enfin les races à longue laine autres que les Leicester. Je ne puis pas dire que ce programme me satisfasse complètement ; je trouve d’abord que la qualité laitière, la première de toutes à mon avis dans le gros bétail, est trop sacrifiée dans cette qualification aux qualités de boucherie : je sais bien que dans chaque catégorie on prime avec, le plus beau taureau, la plus belle vache et la plus belle génisse, mais ce n’est pas assez, et je voudrais voir les meilleures laitières primées à part, surtout quand la scène se passe à Glocester, c’est-à-dire au centre d’un pays qui tire toute sa richesse agricole de ses fromageries ; je trouve ensuite que, même au point de vue de la boucherie, la division par race, excellente en soi et parfaitement conforme à un ordre considérable de faits, ne devrait pas être exclusive, et qu’après avoir donné lieu à des concours particuliers toutes ces races devraient concourir entre elles pour un prix principal.

Cette distinction par races, ainsi posée d’une manière absolue, a cet inconvénient entre autres, qu’elle semble écarter les croisemens. La Société royale semble poser en principe qu’il faut chercher uniquement à améliorer les races par elles-mêmes, sans y introduire de sang étranger. Si le principe contraire était posé avec la même rigueur, je le repousserais également ; je crois qu’il y a des cas où les croisemens sont utiles, d’autres où ils doivent être évités avec soin, pour s’en tenir aux races locales dans toute leur pureté, d’autres enfin où le mieux est d’abandonner la race locale et de la remplacer immédiatement par une autre ; tout dépend des circonstances, je ne repousse qu’un principe absolu, quel qu’il soit. Nous avons vu en France de grands efforts faits dans un sens contraire ; on a tenté systématiquement d’introduire partout le sang anglais parmi les chevaux et le sang Durham parmi les bêtes à cornes ; ces tentatives ont échoué, c’est ce qui devait être : on ne défait pas en un jour l’œuvre des siècles, et les races locales ont leur raison d’être, qui sait bien se faire respecter ; mais cela n’empêche pas que le cheval anglais ne soit le meilleur cheval de course et le bœuf Durham le meilleur bœuf de boucherie qui existe, et partout où se rencontrent à la fois et une demande suffisante de chevaux de course ou de bœufs de boucherie, et un moyen suffisant de les produire dans des conditions marchandes, il vaut mieux adopter ces types perfectionnés que rester dans l’ornière, il vaut mieux même, si l’on ne peut pas les avoir purs, s’en servir pour des croisemens là où ces croisemens peuvent se faire dans de bonnes conditions.

Cette question des programmes est un peu moins compliquée en Angleterre qu’en France, parce qu’un des principaux élémens de la difficulté chez nous, le travail, disparaît chez eux à peu près complètement. Je ne doute pas cependant que la Société royale ne soit amenée un jour à modifier son programme. En revanche, une partie de ce programme, qui me paraît excellente et qu’il serait bien à désirer de voir introduire dans nos propres concours, c’est celle qui consiste à primer des femelles. Ce n’est pas assez que d’avoir de bons reproducteurs mâles, il faut aussi de bonnes femelles : tous les éleveurs savent parfaitement que, tant que la mère est défectueuse, le produit n’est pas bon, quelle que soit la valeur du père. Il y avait à Glocester autant de prix pour les jumens, les vaches, les brebis et les truies que pour les taureaux, les étalons, les béliers et les verrats ; on avait même primé à