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nouveau aller à tenter de se faire justice par l’insurrection : quelles raisons sérieuses aurait-on à leur opposer ? Le radicalisme triompherait encore peut-être, puisqu’il est en possession de tous les moyens de gouvernement, soit ; mais plus il s’imposera par ces moyens violens, plus il deviendra manifeste qu’il n’est que le plus odieux et le plus injustifiable despotisme, ne pouvant se soutenir que par la force qui lui a servi à s’emparer de la Suisse.

Le triste effet du radicalisme révolutionnaire, c’est qu’il compromet tout ce qu’il touche ; toutes les questions dont il s’empare s’enveniment, les contrées qu’il envahit sont saisies d’un malaise violent et permanent. Un des avantages, au contraire, des pays exempts de ce fléau, c’est de pouvoir envisager avec calme et maturité les questions les plus graves qui s’offrent à leurs délibérations. La Hollande, on le sait, est depuis quelques jours en face d’une de ces questions. Le projet présenté par le cabinet de La Haye pour régler la surveillance de l’état sur les communions religieuses n’a point cessé de préoccuper les esprits. Les catholiques, comme cela est naturel, adressent aux chambres des pétitions contre ce projet ; les protestans signent des adresses en faveur de la loi ; en un mot, c’est tout un mouvement religieux qui se produit néanmoins sans agitation extérieure dans le pays, et comme c’est là pour le moment la plus vive, sinon l’unique préoccupation publique, il est tout simple que les incidens parlementaires en portent la trace. Il s’est élevé récemment à la seconde chambre une interpellation qui se rattachait de fort près aux questions actuellement en discussion. Le ministre des affaires catholiques du cabinet hollandais, M. de Lightenvelt, a reçu, il y a peu de temps, la mission de se rendre à Rome, et, pendant son absence, la direction des affaires du culte catholique a été confiée à un de ses collègues qui n’est point de cette religion. C’est sur ces deux points que portait l’interpellation de la seconde chambre. M. Dominer van Poldersveldl demandait au ministre des affaires étrangères d’abord quelle était la nature de la mission de M. de Lightenvelt, et en outre pour quel motif la direction des affaires catholiques avait été confiée à un ministre non-catholique. Au fond, cette dernière question ne pouvait avoir une grande importance, l’absence de M. de Lightenvelt n’étant que momentanée. Quant à la nature même de la mission du ministre des affaires catholiques, le chef du cabinet, M. Van Hall, a répondu que M. de Lightenvelt s’était rendu à Rome pour empêcher que le saint père ne pût concevoir des impressions défavorables au sujet de la loi sur la surveillance des cultes, en d’autres termes, pour fournir probablement toutes les explications nécessaires au saint-siège et pour s’entendre avec lui. Il est difficile, on le conçoit, de savoir quel sera le résultat de la mission de M. de Lightenvelt. Maintenant c’est la loi même qui reste à discuter, et ici commencent les divergences dont le rapport de la commission de la chambre offre le complet résumé. Nous ne saurions, bien entendu, énumérer les opinions diverses qui ont pu se produire. Il suffit de connaître les deux nuances principales. Sur quoi s’appuient les adversaires de la loi ? Ils invoquent l’article 164 de la constitution, qui accorde la pleine liberté de la profession religieuse en tout ce qui n’est point une attaque contre la société ou contre ses membres individuellement. Si l’état a la faculté de s’immiscer dans l’organisation des communions religieuses, à quoi aboutit cette liberté ? La disposition fondamentale,