Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 3.djvu/59

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ses Souvenirs, tout ce qu’il faut pour réussir. On remarquait en lui un grand fonds de dignité et de fierté sans aucune apparence d’orgueil, de la bienveillance sans familiarité, de la douceur dans les formes sans faiblesse. Il possédait le don d’imposer par son air noble, grave et calme ; il avait le talent d’inspirer de la confiance et du respect à ses inférieurs, tout en conservant à leur égard un ton poli et plein d’aménité ; en un mot, M. de Capellen se sentait lui-même fait pour les affaires, autant que M. Van der Duyn s’y sentait peu propre. »

Aussi fut-il appelé de bonne heure à occuper les emplois les plus élevés. Tandis que M. Van der Duyn vivait dans la retraite, M. de Capellen devenait ministre de l’intérieur du roi Louis Bonaparte. En 1814, M. Van der Duyn se contentait de siéger dans des commissions constituantes, et M. de Capellen était choisi par le prince souverain des Provinces-Unies comme un alter ego pour administrer la Belgique, placée par les puissances alliées sous l’autorité du prince destiné à en devenir roi. Enfin il remplit pendant dix ans une vice-royauté dans les colonies des Indes orientales. Lorsque plus tard il vivait éloigné des affaires publiques, l’occasion d’y reparaître ne lui manqua point. Sous le roi Guillaume II, on lui offrit des missions diplomatiques qu’il refusa ; le portefeuille des affaires étrangères lui ayant été proposé en 1841, il exposa ses vues dans un mémoire au roi, dont nous citerons quelques passages comme un modèle de l’indépendance et de la fermeté d’opinions qui conviennent aux hommes politiques sous un gouvernement libre : « .J’ai l’intime conviction, disait-il, que le système actuel ne répond ni aux besoins, ni aux vœux de la portion la plus éclairée des sujets du roi, et que par conséquent il est urgent d’y apporter des modifications promptes et énergiques. Ces remèdes sont désirables et indispensables autant dans l’intérêt de la nation que dans celui du roi… Un défaut d’ensemble se fait sentir ; nous manquons d’une confiance mutuelle ; les rapports du roi avec les représentais de la nation (si tant est qu’on puisse donner avec vérité ce nom aux états-généraux, composés comme ils le sont actuellement) ne sont pas ce qu’ils devraient être dans un véritable état ou gouvernement constitutionnel, et cependant une position équilibrée entre les deux puissances suprêmes est une des premières conditions pour maintenir une harmonie qui doit produire les fruits les plus durables et les plus salutaires… Le roi n’a pour exécuter ses ordres et pour la mise en vigueur des lois que des ministres isolés, mais il n’a pas un ministère agissant d’après un système arrêté d’avance, et se présentant aux yeux de la nation comme un corps homogène, placé vis-à-vis des chambres de manière à leur inspirer de la confiance dans le pouvoir. » Après avoir indiqué la nécessité