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rien en Irlande, parce qu’aucun impôt de l’état ne pèse sur elle. La terre paie en Irlande beaucoup plus qu’en Angleterre, plus même qu’en France, et, ce qui surtout est grave, elle paie d’une manière inégale et incertaine. Le county cess et le vestry cess (impôts de comté et de paroisse) doivent pourvoir à ces dépenses, nécessaires dans tous les pays civilisés, auxquelles subviennent en France les centimes départementaux et communaux, avec cette différence que, la commune ayant très peu d’importance en Irlande, ce qui est dépense communale en France est ici dépense de comté, — avec cette aggravation aussi, que, dans l’organisation administrative anglaise, un grand nombre de dépenses sont localisées, et qu’en Irlande l’entretien des routes et une grande partie des frais de la police armée tombent à la charge du comté. Depuis la publication du livre de M. de Beaumont, le montant des county cess a doublé ; il atteint aujourd’hui un chiffre qui est le huitième de la valeur imposable du pays. Ce n’est pas tout. Parmi les dépenses localisées se trouve l’entretien de l’église anglicane en Irlande, qui donne lieu à un impôt spécial créé en remplacement de la dîme. Les church rates ont été supprimés, et les églises du culte établi sont entretenues au moyen de prélèvemens faits sur les traitemens des hauts dignitaires. Le système de perception des dîmes a été amélioré, et on a diminué le montant de la rente fixe qui l’a remplacé lorsque l’assiette de cette taxe fut modifiée. Malgré ces améliorations, le fardeau financier du tilhe rent charge[1] est encore bien lourd, sans parler des griefs moraux que cet impôt soulève. En additionnant le revenu de la dîme et celui des biens dont jouit le clergé établi, on arrive à un résultat étrange que peut seul expliquer le petit nombre de personnes professant le culte anglican en Irlande. Relativement au nombre des fidèles, sur le pied où est payé le culte anglican dans ce pays, les frais du culte catholique monteraient en France à près de 500 millions. Encore ce culte si bien rétribué n’est-il pas celui de la majorité de la population. Celle-ci doit subvenir par des dons volontaires à l’entretien du clergé catholique. C’est une charge nouvelle qui retombe sur la terre et dont il est difficile d’évaluer le montant. Non-seulement la dépense du culte n’est pas en Irlande supportée par l’état, mais l’Irlandais paie deux fois : il paie pour soutenir les ministres de la religion qu’il professe ; il paie surtout pour maintenir un culte qui lui est au moins indifférent.

La taxe des pauvres et toutes les autres taxes de charité publique qui se perçoivent en même temps que le poor rate, et ne sont pas confondues avec le county cess, s’élevaient, comme on l’a déjà vu, à plus de 54 millions de francs en 1849. Le montant varie chaque

  1. C’est le nom de l’impôt fixe substitué à la dîme.