Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 3.djvu/492

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Devant eux, autour d’eux, ils ne trouveront que des ennemis. Si nous sommes battus en plaine, nous nous retirerons dans nos montagnes et nous vous braverons encore. Nos ressources croîtront avec nos besoins. La nécessité nous stimulera, jusqu’à ce que, lassée de combattre en vain et de lutter contre une résolution que victoires sur victoires ne sauraient dompter, l’Angleterre rappelle ses armées et se retire de la lice après d’immenses sacrifices. Non, notre parti est pris de supporter toutes les conséquences du duel qui s’apprête : il nous en contera peut-être des flots de sang, mais nous ne doutons pas du succès.

Dans la colonie de New-York, les deux chefs de l’opposition, Philip Schuyler et George Clinton, étaient tous deux étrangers à la presse. On dut faire revivre le vieil organe des whigs, le Journal de New-York, dont nous avons raconté la triste fin entre les mains de John Zenger, Ce fut l’imprimeur John Holt qui se chargea de cette résurrection, et la plume fut tenue par un Écossais du nom de Mac Dougal. Le parti de la cour disposait au contraire de plusieurs journaux, et notamment de la Gazette Royale, imprimée par James Rivington. La polémique de ces journaux était alimentée par des écrivains habiles, appartenant à la magistrature ou au clergé anglican : c’étaient l’avocat-genéral Seabury, le révérend Samuel Chandler, le révérend John Vardill, auteur de satires politiques dans lesquelles les whigs étaient fort maltraités, le docteur Myles Cooper, président du collège du roi, et, le plus habile de tous, Isaac Wilkins, chef du parti royaliste dans la législature coloniale, écrivain et orateur distingué, dont il nous reste quelques discours vraiment remarquables, et qui ne jeta point sans succès dans la balance du côté de l’Angleterre le poids de son influence et de son talent. La province de New-York, fort endettée par suite des sacrifices qu’elle avait dû faire pour la conquête du Canada, n’avait pas été moins hostile que les autres colonies à l’acte du timbre qui menaçait son commerce : mais l’opposition perdit toute force dès qu’on eut obtenu satisfaction sur ce point : l’opinion publique, grâce aux efforts des écrivains loyalistes, se calma de plus en plus, et l’assemblée garda constamment vis-à-vis de la métropole l’attitude la plus conciliante. Cette tiédeur de la législature et de la population faisait le désespoir des whigs, et Mac Dougal soulagea son mécontentement dans un véritable pamphlet intitulé : Un Fils de la liberté aux habitans trahis de la bourgeoisie de New-York. Cet écrit lui valut une arrestation en décembre 1769, et une détention de plusieurs mois qu’il prolongea volontairement par son refus de faire amende honorable. La cause populaire trouva de plus habiles et de plus heureux défenseurs dans Livingston, ancien gouverneur de New-Jersey, et dans le gendre de celui-ci, Jay, dont le nom indique assez l’origine française. Toutefois la partie était encore inégale entre les avocats et les adversaires de la couronne, lorsque l’équilibre fut rétabli par l’apparition d’un nouveau champion dans l’arène, c’était l’homme qui devait être l’ami, le confident et le coadjuteur fidèle de Washington, Alexandre Hamilton, écrivain, administrateur et soldat, qui mit au service de son pays une épée vaillante et un génie organisateur ; Hamilton, dont la mémoire était demeurée sans tache, malgré les insinuations de l’envieux et vindicatif Jefferson, mais dont la gloire grandit à mesure que le temps et l’expérience font mieux apparaître ce qu’il y avait