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des plantations des bureaux pour recevoir et expédier les lettres et dépêches, suivant un tarif qui serait arrêté par les assemblées coloniales, et à la charge de transporter gratuitement les correspondances relatives au service public. Les bénéfices éventuels de l’entreprise devaient revenir à Thomas Neale ; mais l’administration et la nomination des agens furent réservées à un directeur-général (postmaster-general) désigné lui-même par le directeur-général des postes d’Angleterre. La spéculation de Neale fut très malheureuse, malgré le monopole dont les assemblées coloniales investirent son entreprise et malgré les subventions qu’elles lui votèrent en plusieurs occasions. Dans le Massachusetts, les recettes arrivaient à peine à couvrir le tiers des dépenses ; le service y fut organisé en 1693 par l’écossais Duncan Campbell, et dix ans plus tard, en 1703, on voit le directeur des postes, John Campbell, successeur de Duncan, réclamer de l’assemblée coloniale des mesures pour assurer l’observation du monopole des postes et une allocation annuelle pour couvrir l’insuffisance régulière des recettes. C’est ce John Campbell qui, ne recevant pas le salaire attribué à ses fonctions et obligé de faire marcher la poste à ses frais, eut l’idée de publier un journal pour se créer une source de revenus et se faire un titre de plus à la bienveillance des autorités du Massachusetts.

Le célèbre ministre John Cotton avait importé d’Angleterre en Amérique l’habitude d’adresser le jeudi à ses paroissiens une allocution où il expliquait quelque point d’histoire ou de morale pris dans la Bible : c’est ce qu’on appelait la leçon [lecture), et l’usage s’en est conservé à Boston. L’affluence qu’attirait chaque jeudi le désir d’entendre le plus éloquent et le plus renommé des prédicateurs puritains détermina l’assemblée ou cour générale du Massachusetts à établir ce jour-là à Boston un franc-marché. Les colons prirent donc l’habitude de se rendre à Boston le jeudi. Aussitôt après la leçon, on se répandait sur le marché pour causer des affaires de la colonie, pour échanger les nouvelles locales, pour s’informer des nouvelles d’outre-mer. Par suite, on avait osé à ce jour-là le départ de la poste pour les autres colonies. Ce concours de monde, cette curiosité universelle, donnèrent à John Campbell l’idée de son entreprise. Directeur des postes, il était le premier au courant des nouvelles d’Europe : les courriers lui apprenaient les on-dit de toute la colonie ; les jours de marché, sa maison ne désemplissait pas de visiteurs qui venaient apporter ou retirer leurs lettres. Il s’avisa qu’il y aurait peut-être quelque profit pour lui à imprimer et à mettre en vente, une feuille volante contenant les actes et ordonnances des autorités, les bruits de la colonie et le résumé des nouvelles d’outre-mer. C’est ainsi que naquit le premier journal américain, le Boston News-Letter [Lettres de nouvelles de Boston), dont le titre rappelle les fouilles manuscrites qui ont précédé les journaux et en ont donné l’idée. Quant à l’imprimeur, nous avons vu que John Campbell n’avait pas le choix : il n’y avait pas encore à Boston d’autre imprimerie que celle de Barthélemy Green, fils aîné de Thomas Green, imprimeur de l’université de Cambridge. Le Boston News-Letter fut donc imprimé par Barthélemy Green, et la vente en fut confiée au papetier Nicolas Boone, dont la boutique était située en face de la maison de prière où se faisait la leçon du jeudi. Le premier numéro parut le jeudi 24 avril 1704.

Il est probable que Campbell avait reçu les encouragemens des autorités