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au retour, faisaient escale à Philadelphie ou à New-York. Pendant l’hiver, aucune communication n’avait lieu par mer, et n’était possible par terre. Cet ensemble de circonstances défavorables n’empêcha pas pourtant les journaux de naître sur le continent américain ; mais on ne s’étonnera point que l’histoire des premiers efforts de la presse ne se puisse séparer ici de l’histoire de l’imprimerie et de l’histoire de la poste.


I

En 1638, un ministre dissident d’Angleterre, le révérend John Glover, envoya en présent à l’université que les colons venaient de fonder à Cambridge un assortiment de caractères d’imprimerie. Des marchands d’Amsterdam, par pure charité et en vue de venir en aide à la foi protestante, donnèrent à l’université une somme de 40 livres sterling pour acheter une presse ; des souscriptions firent le reste. Parmi les premiers colons se trouvait un ouvrier imprimeur, Stephen Daye, qui manœuvra cette presse, mais qui ne tarda point à succomber à la rigueur du climat. Thomas Green, à qui l’on doit la publication de quelques écrits de théologie et de quelques livres classiques pour l’université, est vraiment le premier qui ait introduit l’imprimerie en Amérique. Il eut pour successeurs non-seulement son fils aîné, Barthélémy Green, qui fut longtemps le seul imprimeur de Boston, et qui devait y imprimer le premier journal américain, mais toute une lignée de petits-enfans qui propagèrent son art dans toute la Nouvelle-Angleterre. On trouve quelqu’un des descendans de Thomas Green au berceau de quatorze ou quinze des plus anciens journaux des États-Unis.

C’est aux Campbell que revient l’honneur d’avoir organisé le premier service de postes ; mais cette création se fit longtemps attendre. Le 5 novembre 1639, l’assemblée des colons du Massachusetts désigna, dans la ville naissante de Boston, la maison de Richard Fairbanks comme le lieu où seraient reçues en dépôt les lettres arrivées d’Europe ou à destination d’outre-mer. Fairbanks était rendu responsable des lettres remises à sa garde, et il lui était alloué 1 penny par lettre, comme dédommagement de ses peines. Chacun demeurait libre de recourir ou non à l’entremise de ce dépositaire. Il paraît que cette rétribution de 1 penny était une lourde charge pour les premiers colons, car elle ne fut pas payée. Près de quarante ans plus tard, en 1677, on voit les principaux marchands de Boston se plaindre du grand nombre de lettres qui sont perdues : personne n’en veut prendre soin sans rétribution ; on les entasse pêle-mêle sur une table au milieu de la Bourse, à la merci du premier qui veut s’en emparer. Sur la demande des commerçans, la cour générale du Massachusetts nomma un dépositaire, chargé de recevoir les lettres apportées d’outre-mer par chaque navire et de les faire remettre à leurs destinataires ; mais il ne s’agissait encore que des lettres venues d’Europe ou à destination d’Angleterre : de relations postales entre les diverses colonies, il n’en était pas question.

Ce n’est que sous Guillaume III qu’on voit naître quelque chose qui ressemble à un service de postes. En 1691, un certain Thomas Neale obtint du roi, par lettres-patentes, l’autorisation d’établir dans les principaux ports