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récemment à Saint-Paul, commentant les paroles de l’apôtre sur les périls parmi les faux frères, avait attaqué les dissidens et leurs patrons, lancé de vives allusions contre leur influence, et, en opposant la reine à son gouvernement, prêché l’absolutisme de la prérogative et anathématisé toutes les doctrines de liberté. C’était évidemment prêcher contre la révolution et la constitution ; mais, quoique l’orateur eût été complimenté par le lord-maire, l’incident en lui-même avait peu de gravité : le discours était médiocre, et ce n’était pas la première fois que des sectateurs de la haute église avaient apitoyé les fidèles sur la triste condition de la royauté, en condamnant comme autant de sacrilèges les limitations légales de son pouvoir. Cependant l’impunité de ces attaques commençait à lasser la patience des ministres, et surtout de Godolphin. Ils craignaient sans doute qu’elles ne parvinssent à tourner l’opinion, et ils conçurent l’idée malheureuse de la retenir et de la fixer par un procès. Contre l’avis de Somers et de Marlborough, ils donnèrent les mains au projet d’accusation présenté dans la chambre des communes, et, après un vif débat, Sacheverell fut traduit devant la cour des pairs. Des ministres, Boyle et Smith, Walpole, alors trésorier de la marine, le général Stanhope, un des hommes considérables du parti, figurèrent dans le comité d’impeachment, Cette affaire, qui ne méritait pas une si imposante intervention, porta le trouble dans le public. La chaire et la presse s’en emparèrent. Londres n’eut plus d’autre entretien. Toute la passion était pour l’accusé. La faction des high flyers se déploya dans toute sa violence, et le ministère fut peu appuyé.

Ce procès impolitique fut cependant l’occasion d’une belle et mémorable discussion, soutenue avec une liberté, une habileté, une éloquence qui le rendent encore un instructif et intéressant sujet d’étude. Le débat roulait sur ces questions : — Quels sont les principes du gouvernement civil ? Quel contrat unit la royauté et le peuple ? L’obéissance est-elle sans limite ? Existe-t-il un droit de résistance ? — On le voit, ce n’est pas moins que la révolution de 1688 qui était en débat ; c’est la vraie théorie de la révolution, de la constitution anglaise, que les accusateurs revendiquaient contre un prédicateur d’absolutisme, contre ces doctrines serviles auxquelles croyaient Charles Ier et Louis XIV, les Stuarts et les Bourbons, Laud et Bossuet, une bonne part des clergés anglican et gallican. Sous ce procès où l’on semblait ne discuter qu’une question de l’histoire d’Angleterre, le vrai sens d’un événement, le vrai sens de la loi établie, s’agitait la plus grande question philosophique que la politique ait posée aux nations modernes : il s’agissait des droits du genre humain. Burke a eu raison de rechercher dans une analyse du procès de Sacheverell