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le grand ministère whig fut constitué. Les cinq lords de la junte, comme on les appelait, Somers, Orford, Wharton, Halifax et Sunderland, furent réunis sous Godolphin dans le même cabinet avec Marlborough et Cowper. On peut remarquer que la chambre des pairs domine dans cette administration, qui est restée célèbre dans les annales du parti whig. C’est peut-être une des circonstances qui ont donné à ce parti, le plus populaire après tout, une réputation aristocratique. Nous verrons au reste, pendant la première moitié du XVIIIe siècle, plus d’un exemple de cette composition ministérielle. Walpole finit par être presque le seul commoner du cabinet qu’il dirigeait ; mais il le valait tout entier, tandis qu’en 1708 le secrétaire d’état Boyle et le chancelier de l’échiquier Smith étaient loin d’égaler leurs collègues de l’autre chambre. D’ailleurs ce même Walpole, quoique ses fonctions ne le fissent pas ministre, était là pour les seconder, pour les suppléer même. Trois ans auparavant, Spencer Compton lui écrivait : « M. Smith a une fluxion sur les yeux, et si M. Walpole devait être absent, les pauvres whigs pourraient perdre les occasions favorables qui pourraient s’offrir, faute de quelqu’un pour les guider ( a leader). »


VII

Le ministère de Godolphin fait cependant époque dans les fastes parlementaires, non qu’il se soit à l’intérieur signalé par rien de remarquable, mais il profita de la nouvelle gloire que les journées d’Oudenarde et de Malplaquet jetèrent sur le nom de Marlborough. L’opposition fut un moment réduite au silence, comme sous l’administration de Chatham pendant la guerre de sept ans, et l’on crut à la longue durée d’un pouvoir confié aux premiers hommes du pays, appuyé par l’opinion, favorisé par la fortune, rehaussé par la victoire. Sa prospérité même devait abréger son existence. Il semble que trop confiant dans sa force, il négligea les soins dont la force ne peut se passer. Il ne persécuta pas ses adversaires, mais il les dédaigna ; il n’opprima pas la reine, mais il la négligea, et ne tint compte ni de sa vanité ni de son humeur. Elle ne craignait rien tant que d’être menée, et elle était très exigeante sur l’étiquette que le ministère oubliait souvent. Obligé par la politique d’inquiéter ses préjugés monarchiques et religieux, il aurait dû ménager sa personne et son caractère, et chercher à s’assurer d’une bienveillance qu’on pouvait gagner par de petites choses. Marlborough était respectueux et complimenteur, mais son ambition était insatiable, et sa grandeur eût fait ombrage au moins jaloux des monarques. Il alla, dit-on, jusqu’à ambitionner le titre de général en chef à vie, et le brevet en aurait