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ses gardes, elle ne s’occupa guère de regagner la tendresse de la reine ; elle aurait su mal s’y prendre. Soit franchise, soit orgueil, soit confiance dans la hauteur de sa position, elle parla sévèrement à son obscure rivale, la traita en ennemie, et n’entretint la reine que d’amitié blessée et de services méconnus. De là des entrevues pénibles, des raccommodemens passagers, des alternatives de tendresse et d’aigreur qui ne pouvaient que rendre plus agréables et plus nécessaires les complaisances d’une nouvelle amie. Cependant Godolphin et Marlborough pressèrent la reine de faire un choix entre eux et le secrétaire d’état, dont elle avait fait un confident. Ils menacèrent d’une démission qui peut-être était acceptée, si la chambre n’avait aussitôt fait entrevoir la menace d’un refus de subsides, en même temps on découvrit que le maréchal de Tallard, qui vivait prisonnier en Angleterre, correspondait avec Chamillart, et que ses lettres passaient par l’office du secrétaire d’état. Un commis, qui avait même obtenu la confiance de Harley, fut arrêté, et sur son aveu condamné pour trahison. Cette arrestation amena celle de quelques espions soupçonnés de servir à la fois ou plutôt de trahir à la fois la France et l’Angleterre, et que Harley avait toujours protégés. La chambre des pairs intervint dans l’examen de cette affaire, et, sans inculper directement le ministre, parut l’accuser de négligence, en votant une adresse à la reine pour éveiller sa vigilance sur le retour possible de semblables trahisons. Marlborough et Godolphin lui firent de nouvelles représentations, et lui annoncèrent leur retraite, sans produire sur elle beaucoup d’impression. Ils s’abstinrent en conséquence de paraître au prochain conseil. La reine le présidait ; Harley commençait à rendre compte de quelques affaires, et les ministres assistans semblaient l’écouter avec impatience, quand le duc de Somerset dit et répéta avec force qu’on ne pouvait délibérer en l’absence du trésorier et du général. L’attitude du reste du conseil avertit la reine que son ministère était dissous. Elle leva la séance, manda le duc de Marlborough et lui annonça la démission de Harley (février 1708). Sa retraite entraîna celle de ses amis : on pense bien que Saint-John était du nombre. Il eut pour successeur Hubert Walpole, destiné à se trouver partout son rival et son adversaire ; Harley fut remplacé par Doyle. Ce n’était pas le moment d’entourer le trône d’amis douteux ; le bruit courait d’une invasion des côtes de l’Ecosse, préparée à Dunkerque et commandée par le prétendant en personne. Des mesures de défense furent ordonnées, et l’on remarqua que la reine, dans sa réponse aux adresses du parlement, remercia la chambre des lords de son zèle et de son ardeur à soutenir la révolution, mot qu’elle affectait jusque-là de ne point prononcer.

La dissolution qui suivit changea décidément la majorité, et bientôt