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de l’église épiscopale. Contre ces dissidens, dont le nombre était estimé à deux millions ou aux deux cinquièmes de la population du royaume, subsistait la loi qui prescrivait, pour l’admission aux divers emplois publics, même électifs, l’épreuve appelée test, c’est-à-dire l’obligation de recevoir le sacrement suivant le rit anglican. Cependant cette obligation dégénérait en simple formalité : tout dissident à qui sa conscience ne l’interdisait pas s’y soumettait une fois, prenait possession de son emploi, et retournait ensuite aux pratiques et aux assemblées de sa secte. On échappait donc à l’uniformité religieuse que la législation avait voulu établir au moins parmi les serviteurs de l’état. Ceux qui éludaient ainsi la loi étaient appelés les conformistes par occasion, et depuis longtemps la conformité occasionnelle était attaquée violemment dans la chaire et par la presse, comme une dérision de la loi, un mensonge autorisé, une hypocrisie tolérée, une profanation, un sacrilège. Dans le parlement, l’opposition dévote déclamait sur ce texte, et devenue majorité, c’était naturellement un de ses premiers devoirs que d’abolir le scandale qu’elle avait longtemps dénoncé. Ce qui rendait ce devoir très doux à remplir, c’est qu’en général les dissidens étaient presbytériens, et les presbytériens whigs, et qu’en les frappant de certaines incapacités, on comptait diminuer leur nombre et surtout leur influence. Un bill contre la conformité occasionnelle était donc une mesure d’exclusion contre les whigs, et proposer un tel bill à la chambre, c’était, sous couleur de fortifier, de glorifier l’église, proposer à la majorité d’affaiblir l’opposition. La loi fut présentée en effet. Elle prononçait des peines contre quiconque, après avoir satisfait au test, assisterait aux offices d’un culte différent du culte épiscopal ; elle doublait la pénalité en cas de récidive ; elle autorisait, pour être appliquée, un espionnage inquisitorial et délateur. Et par qui fut-elle présentée, cette loi de persécution, qui aurait eu tant besoin de l’insuffisante excuse que la ferveur de l’orthodoxie prête à ses injustices ? Par un des futurs maîtres de Voltaire.

Saint-John, qui, choisi cette année pour accompagner la reine à Bath, avait, en passant par Oxford, été reçu docteur à l’université, s’unit pour faire cette motion avec Arthur Annesley, un tory assez vif qui fut depuis lord Anglesea ; avec William Bromley, vrai modèle du gentilhomme de province, tous deux membres du parlement pour cette même université d’Oxford, l’alma mater de l’intolérance anglicane. Le bill passa avec grande faveur à la chambre des communes ; mais à celle des lords il souleva une vive résistance. Là vivait encore l’esprit du dernier règne ; là le cabinet ne dominait pas. La discussion fut brillante et animée. Cependant le principe même du bill fut à peine combattu. C’est à ses conséquences, à la rigueur des dispositions