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des affaires de la France ont appris la langue que parle l’histoire d’Angleterre. Les sentimens et les pensées qui animent les acteurs ou les témoins de ces scènes appelées restauration, révolution, la vie des partis, le monde parlementaire, sont des choses qu’ils doivent connaître au moins par expérience. Il peut être aujourd’hui très inutile de savoir tout cela, et nous penchons à le croire ; mais enfin ils le savent, et il leur manque la flexibilité d’esprit nécessaire pour apprendre autre chose. Peut-être leur passera-t-on d’oser écrire sur ce qu’ils pensent connaître, de profiter d’une expérience qui probablement doit finir avec eux, et de parler de ce dont ils se souviennent avant que ce soit tout à fait oublié. Les hommes d’aujourd’hui seront plus heureux : dispensés d’un laborieux apprentissage, ils recueilleront sans avoir semé ; leur destinée ne leur coûtera nul effort ; ils jouiront du bonheur de leur patrie sans y être pour rien, et s’étonneront qu’on ait pris tant de peine avant eux pour des choses aussi indifférentes que les affaires publiques.

Essayons donc de raconter ce qui se passait au commencement du dernier siècle chez une nation condamnée par la Providence à cette sorte de travail forcé que l’on nomme la liberté politique.


II

Henry Saint-John naquit le 1er octobre 1678 à Battersea, dans un domaine longtemps possédé en Surrey par ses ancêtres. Sa famille était d’une ancienne noblesse : le nom de Saint-John se lit parmi ceux des compagnons de Guillaume le Conquérant. Guillaume de Saint-Jean était, suivant le rôle de l’abbaye de la Bataille, le quartier-maître général ou le maréchal des logis de l’armée normande, comme disent les écrivains qui ne se piquent pas de rester aussi fidèles au ton des chroniques que M. Augustin Thierry. Mabile, dernière héritière du nom de Saint-Jean, le porta dans la maison des seigneurs de Basing, en épousant Adam de Post, d’une race saxonne du Hamshire, laquelle possédait vingt-cinq manoirs avant la conquête. Guillaume, son fils, prit sous le roi Jean le nom maternel, et devint le chef et la souche d’une famille considérable et quelquefois citée dans l’histoire. Des deux branches titrées, l’une, celle des lords de Bletsho, comtes de Bolingbroke, se distingua lors de la révolution dans le parti du parlement ; l’autre, celle des seigneurs de Lidyard Tregoze, vicomtes Grandison, se signala dans le parti du roi. Vers le même temps, le chef d’une autre ligne, sir Walter Saint-John de Battersea épousait sa cousine, la fille du lord grand juge Saint-John, qui avait marqué dans le parti républicain. Il siégea au parlement sous Charles II et Guillaume III, et ne mourut qu’en 1708. Son fils épousa lady Mary,