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« Cependant ta moitié, jeune homme, vit loin d’elles ? »
Me demandait mon cœur, et je répondais : « Oui. »

À ton chant de retour, marin, je veux moi-même
Unir un nouveau chant pour la terre que j’aime !

Le poète est heureux à qui le ciel donna
Un sol vierge et puissant que son cœur devina ;

Quand d’autres murmuraient : « Terre inculte et sauvage !
Moi, je t’aime, ai-je dit ; tu n’es point de notre âge.

Oui, ton charme indicible est dans cette âpreté,
Et tu lui dois ta force et ta douce fierté.

Aussi je chanterai dans mes rimes dernières
Et tes antiques mœurs et tes nobles chaumières.

Et mon œuvre sera. Du fond de mes taillis
Je pourrai m’écrier : Breton, j’eus un pays !…

Homère ne chantait que les fils de l’Hellade :
Un ami me l’a dit, et sa voix persuade.

Mais finis, Gratien, ta chanson de retour
Où la tristesse calme alterne avec l’amour.

— Soutenez-moi, Seigneur ! une heure, une heure encore,
Je verrai mes parens, mes amis, ma maison,
La Vierge que pour moi ma vieille mère implore :
Contre un bonheur si grand soutenez ma raison.

Hâtez-vous donc, mes pas ! que votre course est lente !
Plus léger est mon cœur. Allez, allez, mes pas !
Ceux dont je suis aimé déjà sont dans l’attente ;
Pour les bien embrasser ouvrez-vous, mes deux bras !

Que nul ne soit absent dans la chère famille.
Qu’au foyer je retrouve et le pain et l’honneur !
Si ce joyau du pauvre avec moins d’éclat brille,
Contre un malheur si grand soutenez-moi, Seigneur ! –

Mais tous ces noirs pensers, de nouveau son jeune âge
Devant lui les chassa : le parfum de la plage