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Comme un père est heureux s’il a pour sa famille
Le pain qui la nourrit et le lin qui l’habille,
Lui, le père céleste, il vous a tout donné :
Le grain germe en vos champs dès que l’heure a sonné ;
Il s’élève, il mûrit, et vos granges sont pleines ;
Brebis sur vos coteaux et moissons dans vos plaines,
Tout abonde ; la mer, immense réservoir,
D’innombrables poissons pour vous sait se pourvoir ;
Vos barques sur ses flancs passent comme des reines :
Que vos bonheurs sont grands, si grandes sont vos peines !
Mais aimez le travail, c’est lui qui vous rend forts.
Tirez même un orgueil permis de vos efforts :
L’animal par instinct trouve sa nourriture,
L’homme, tel qu’un tribut, l’arrache à la nature,
Et vous, mes paroissiens d’un jour, que des ennuis
Autant que les plaisirs sur nos bords ont conduits,
Laissez-vous pénétrer par leurs charmes austères ;
Tout entiers plongez-vous dans les eaux salutaires,
Et quand de la cité vous prendrez les chemins,
Plus riches des bienfaits répandus par vos mains,
Saluez d’un adieu d’amour et d’espérances
Le grand réparateur de toutes les souffrances. »
Bientôt le saint vieillard devant l’autel chantait :
« Allez, la messe est dite ! » - Et le chœur répondait :
« Grâces à Dieu ! »

Voyez la pieuse assemblée,
Dans quel ordre parfait elle s’est écoulée !
Sous le porche ils semblaient, passant avec lenteur,
Se rappeler encor la voix de leur pasteur…
Mais, aux bras des messieurs bruyans, les demoiselles
Avec de grands éclats déployaient leurs ombrelles ;
Déjà, pendant la messe, on les vit maintes fois,
Sur leurs chaises penchés, causer à demi-voix,
Lorgner et se sourire, et c’était un scandale
Pour ceux qui gravement à genoux sur la dalle,
L’œil fixé sur l’autel, disaient leur oraison.
Et voici derechef sur ce pieux gazon,
Quand chacun prie encor pour un père, une mère,
Pour tous ceux qui sont là sous leur monceau de terre,
Qu’ils passent en dansant, tous ces couples légers !…
« Çà, que viennent ici faire ces étrangers ? »