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Dans les terres parfois de longues promenades
Emportent à grand bruit désœuvrés et malades.
Les dames, hardiment suivant leurs cavaliers,
Passent, brillans éclairs, à travers les halliers ;
D’autres, qu’a transportés leur calèche superbe,
Descendent et gaîment font un repas sur l’herbe,
Tandis que sur le bord d’un taillis, à l’écart,
Son album déployé, rêve un ami de l’art.
Au retour, les bains frais où vient trembler la lune,
Le bal sous les bosquets, le concert sur la dune,
Mille intrigues ; enfin, baigneurs, vous le savez,
Les plaisirs… et les maux de Paris retrouvés.

Quel est donc parmi vous, sous un chapeau de paille,
Ce porteur éternel d’un binocle d’écaille,
Tout de la tête aux pieds habillé de nankin,
Qu’une rime très riche a surnommé faquin ?

Oh ! le fils du marin et de la bonne hôtesse
À senti son esprit déborder de tristesse.
Il quille pour trois mois son logis, son bateau.
Adieu ! — Comme il passait sous les murs du château,
Trouvant le vieux recteur, il découvre sa tête ;
Puis, sa course reprise, à la fin il s’arrête
Près d’un immense amas de dôl-men renversés,
Énigmes pour nos temps, titres des jours passés ;
Là, tourné vers le port et sa maison natale,
Le jeune Gratien pleure, et son cœur s’exhale :

« Adieu donc, mon pays, puisqu’on n’y vit plus seul !
Enclos où dans ses bras me portait mon aïeul,
Église où tout enfant j’allais servir la messe,
D’où si léger, si pur, je sortais de confesse,
Adieu ! Mais, flots amers, nids des bois, prés en fleurs,
J’emporte vos parfums, vos chansons, vos couleurs.
Ah ! de loin j’aperçois ma barque et ses deux rames !
Demain avec un autre elle fendra les lames…
C’est une chose étrange en moi, cœur si chrétien,
Frère de tous, cherchant toujours quelque lien :
Tout, hors de mes amis, m’emplit d’inquiétude,
J’ai besoin du silence et de la solitude.
Bonheur de vivre seul et maître dans son bourg !
Tout le jour on travaille, et le soir on discourt