Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 3.djvu/381

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mettez dans chaque lit une couche de paille,
D’un bel enduit de chaux recouvrez la muraille,
À défaut de richesse ayons la propreté,
Une maison riante et pleine de clarté.
Ceux que l’été conduit sur ces pauvres falaises
Dans leurs grandes maisons avaient toutes leurs aises :
À ces corps épuisés, à ces esprits souffrans,
Soyons hospitaliers… Enfin, pour être francs,
Cette saison apporte au logis une somme
Telle que nul filet n’en recueille, mon homme !
La dot de notre fille ainsi va s’amassant,
Et le fils a déjà gagné son remplaçant,
Pour Dieu, ne grondez plus ! Des moissons aux vendanges
Habitons le hangar, les étables, les granges ;
À d’autres la maison : quand ils seront partis,
Riches nous rentrerons, pauvres étant sortis. »

D’une voix qui commande, ainsi parlait la mère ;
Mais sombre était le fils et sombre aussi le père.

Avec leurs voiles verts, avec leurs feutres gris,
Arrive cependant de Nantes, de Paris,
Le monde des baigneurs. Assemblés sur la grève,
Ils contemplent les flots qu’ils n’avaient vus qu’en rêve.
Le grand spectacle emplit leur esprit et leurs yeux ;
Tous, jusques aux parleurs, deviennent sérieux :
Quel magique opéra, quelle ardente peinture
Devant toi ne pâlit, souveraine nature !

Chaque jour a sa fêté, et d’abord dans la mer,
Dans ces flots écumeux chargés de sel amer,
On se plonge, on reçoit les assauts de la lame,
Et le corps affaibli se ranime avec l’âme.
De nageurs se faisant apprentis matelots,
Ils suivent les pêcheurs au milieu des îlots.
Noirmoutiers à leurs pas ouvre son sanctuaire :
Moines qui blanchissez cet antique ossuaire,
Vous morts dans le silence et les austérités,
Que vous devez gémir de ces légèretés !…
Mais vous vous rendormez paisibles dans vos tombes
Au long roucoulement de vos sœurs les colombes. —
Visitant chaque îlot et leurs roches à pic,
Les barques vont ainsi tout le long de Pornic.