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du Mexique. Ce fut aussi l’intendant Talon qui le premier envoya dans nos ports des échantillons des diverses espèces de bois dont la marine du roi pouvait tirer parti. En 1668, on compta onze vaisseaux mouillés dans la rade de Québec. Pour augmenter le nombre des colons, on eut l’idée de licencier au Canada le beau régiment de Carignan, à la condition que les soldats consentiraient à s’établir dans la colonie. Ces terribles guerriers, qui avaient dévasté le Palatinat sous Turenne, se transformèrent en cultivateurs paisibles ; leurs officiers, presque tous gentilshommes, ayant obtenu des seigneuries, se fixèrent eux-mêmes sur ces fiefs et avec empressement, comme s’ils eussent été encore sous les lois de la discipline militaire.

Jusqu’en 1685, la colonie continua de prospérer. Courcelles et Talon, l’un à la tête des troupes, l’autre en dirigeant l’administration, avaient rendu aux colons la sécurité qui leur manquait auparavant et la confiance dans l’avenir de ces établissemens si souvent menacés. Sous M. de Frontenac, qui succéda à Courcelles, les missionnaires et les voyageurs étendirent leurs explorations au nord, à l’ouest et au midi. Les lacs Erié, Huron et Michigan sont successivement visités ; deux jeunes traitans pénètrent dans le pays des Sioux, jusqu’à l’extrémité du Lac Supérieur, et deux jésuites arrivent, en poursuivant leurs courses apostoliques, dans la vallée du Mississipi. Là des indigènes apprennent aux missionnaires qu’un grand fleuve arrose le pays. Deux autres pères, envoyés par l’intendant Talon pour reconnaître cette vallée, atteignent le Mississipi (en juin 1673), et le descendent jusqu’à la rivière Arkansas. Ce fut alors que le Normand Robert de La Salle résolut d’atteindre l’embouchure du fleuve immense, dont le cours n’était pas encore entièrement connu. À son arrivée à Québec, il s’achemina vers le fort de Cataroquoi (Kingstown), où il construisit un grand navire, qui entra bientôt dans le lac Ontario, toutes voiles au vent. Ce navire traversa l’Ontario et vint jeter l’ancre près des chutes du Niagara, à l’entrée de la rivière de ce nom, où devait s’élever une forteresse. Les compagnons de La Salle contemplaient avec admiration la gigantesque cascade, tandis que les sauvages regardaient avec surprise et épouvante le gros vaisseau dont la retentissante artillerie ébranlait les échos de ces rives silencieuses depuis tant de siècles. Quel devait être alors l’aspect sauvage de ces forêts, dans lesquelles il nous souvient de nous être égaré nous-même, et d’avoir erré toute une nuit il y a vingt ans ! Avec un second navire, La Salle parcourut le lac Erié, et s’avança jusqu’aux rives du lac Michigan. Dans un second voyage, il atteignit le Mississipi, passa au milieu des Chicachas, des Taenzas, des Chactas et des Natchez, tribus puissantes alors, les unes éteintes et ignorées, les autres immortalisées par la plume de Chateaubriand