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Le Nouveau-Monde, pas plus que l’ancien, n’est exempt en ce moment de périls et de causes de perturbation. D’un bout à l’autre de l’Amérique, on pourrait voir s’agiter bien des questions redoutables ; mais il n’est point certainement de pays qui, plus que le Mexique, soit assailli par toute sorte de complications, — et comme si ce n’était pas assez de l’anarchie intérieure qui désole toutes les provinces mexicaines depuis plus d’un an, il vient de s’y joindre une de ces difficultés qui surviennent toujours à point pour fournir un prétexte aux Américains : c’est au sujet de la vallée de Messilla, qui se trouve sur la frontière du Mexique et des États-Unis. D’après le traité qui a cédé diverses provinces mexicaines à l’Union après la guerre de 1846, la vallée de Messilla parait incontestablement appartenir au Mexique ; mais les autorités américaines l’ont fait envahir à main armée. Les autorités mexicaines, à leur tour, l’ont fait occuper de nouveau par la force, en expulsant les soldats américains. Le gouvernement de Washington a blâmé et destitué le gouverneur du Nouveau-Mexique, qui avait ordonné la première invasion ; mais en même temps il a envoyé un général pour reprendre possession de la vallée de Messilla. Cet incident, on le pense, a suffi pour soulever toutes les passions américaines et pour irriter, d’un autre côté, les susceptibilités nationales au Mexique, de telle sorte que, si un conflit s’engage entre les troupes des deux pays sur le point contesté et que le sang coule, il est peut-être assez difficile que la guerre n’éclate pas de nouveau d’une manière plus générale, surtout plus décisive qu’en 1846. Cette redoutable éventualité est d’autant moins facile à conjurer, que les gouvernemens semblent jusqu’ici peu disposés à se faire de mutuelles concessions. C’est le parti démocrate qui occupe le pouvoir aux États-Unis, on le sait, et on ne peut guère espérer qu’il laisse échapper l’occasion de satisfaire une ambition qui ne se déguise plus. D’un autre côté, le général Santa-Anna, depuis qu’il est rentré au Mexique et qu’il a repris la dictature, semble prendre à tâche de préparer une nouvelle lutte. Cependant cette lutte, quelle autre issue peut-elle avoir que la ruine complète du Mexique déjà à demi dissous par l’anarchie ? C’est le triste, mais infaillible dénoûment d’une guerre inégale qui serait entreprise aujourd’hui.

Dans ces conditions, il est facile de le comprendre, il reste assez peu de chances pour la solution de la question de l’isthme de Tehuantepec, qui avait été récemment l’objet d’un nouveau traité. Si l’on s’en souvient, le 14 mai 1852, un décret du congrès général de Mexico autorisait le gouvernement à faire une concession nouvelle de la ligne de communication interocéanique. Cette concession a été faite à une compagnie mixte, composée d’Américains et de Mexicains. C’est sur la base de ce traité de concession qu’une convention a été signée à Mexico, le 21 mars dernier, par deux délégués du gouvernement mexicain et par M. Conkling pour le gouvernement de Washington. D’après ce traité, la voie de communication par l’isthme de Tehuantepec doit être libre et franche pour toutes les nations du globe. Maintenant c’est aux événemens à prononcer sur le sort de ce traité et peut-être sur le sort du Mexique.

ch. de mazade.
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V. de Mars.