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SAN FRANCESCO


A RIPA.[1]





Je traduis d’un chroniqueur italien le détail des amours d’une princesse romaine avec un Français. C’était en 1726, au commencement du dernier siècle. Tous les abus du népotisme florissaient alors à Rome. Jamais cette cour n’avait été plus brillante. Benoît XIII (Orsini) régnait, ou plutôt son neveu, le prince Campobasso, dirigeait sous son nom toutes les affaires, grandes et petites. De toutes parts, les étrangers affluaient à Rome ; les princes italiens, les nobles d’Espagne, encore riches de l’or du Nouveau-Monde, y accouraient en foule. Tout homme riche et puissant s’y trouvait au-dessus des lois. La galanterie et la magnificence semblaient la seule occupation de tant d’étrangers et de nationaux réunis.

Les deux nièces du pape, la comtesse Orsini et la princesse Campobasso, se partageaient la puissance de leur oncle et les hommages de la cour. Leur beauté les aurait fait distinguer même dans les derniers rangs de la société. L’Orsini, comme on dit familièrement à Rome, était gaie et disinvolta, la Campobasso tendre et pieuse ; mais cette âme tendre était susceptible des transports les plus violens. Sans être ennemies déclarées, quoique se rencontrant tous les jours chez le pape et se voyant souvent chez elles, ces dames étaient rivales en tout : beauté, crédit, richesses.

La comtesse Orsini, moins jolie, mais brillante, légère, agissante, intrigante, avait des amans dont elle ne s’occupait guère, et qui ne régnaient qu’un jour. Son bonheur était de voir deux cents personnes dans ses salons et d’y paraître en reine. Elle se moquait fort de sa

  1. Église de Rome dans le Trastevère.