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dispensée qu’elle était, par une gloire récemment acquise, de le troubler par de nouvelles batailles. Elle n’avait d’ennemi que l’Espagne, qui montrait encore dans ce temps des prétentions de commerce maritime, qui rêvait la reprise de Gibraltar et de Minorque, et dont le roi se tenait pour dépouillé, par les derniers traités, de ses droits éventuels sur la France, comme les Stuarts de leurs droits à la couronne de la Grande-Bretagne. Toutefois, par leur position respective, l’Angleterre et l’Espagne pouvaient être sur un pied d’hostilités sans bouleverser le monde, et la première, soutenue désormais par la France, se fût peu inquiétée de cette rupture, si la seconde, par un singulier retour, n’eût regagné l’appui de l’Autriche. L’alliance défensive qui les avait unies allait encore compromettre la paix générale, quand la France réussit à faire prévaloir à Vienne des conseils de modération, et, par sa médiation, un armistice de sept années fut signé à Paris le 31 mai 1727. Cette trêve peut être regardée comme un des premiers effets de l’union pacifique du cardinal de Fleury et de sir Robert Walpole ; consolidée par des traités successifs, elle ouvrit à l’Europe une période de tranquillité qui, pour la Grande-Bretagne, se prolongea douze ans.

La nation anglaise semblait donc en voie de prospérité ; mais ces résultats précieux n’avaient pu être obtenus que par la pratique d’une politique plus soucieuse d’assurer les intérêts que de chercher la gloire. Walpole gouvernait sans éclat. À l’intérieur, il conduisait les affaires avec sagesse, il les discutait en maître ; mais il ne donnait rien à l’imagination des peuples, et, peu jaloux d’honorer les hommes, pourvu qu’il les dominât, il pesait tout au poids de l’utilité, ne dissimulant guère qu’il songeait seulement à mettre d’accord la leur avec la sienne : c’est ce qui donnait à son administration un caractère corrupteur. En effet, il ne s’interdisait pas la corruption, surtout il payait bien le zèle de ses amis plutôt qu’il n’achetait le désarmement de ses ennemis ; mais ce qui aggravait à tous les yeux ces procédés trop usités de gouvernement, c’est qu’il ne cherchait ni à les déguiser ni à les relever, c’est qu’il affichait avec hardiesse ce principe général de sa politique, l’intérêt. À l’extérieur, la paix maintenue ou rétablie par la prudence et la modération suppose presque toujours beaucoup de négociations oiseuses ou mesquines, des changement d’attitude ou de langage, de fausses démarches, des tâtonnemens enfin qui prêtent à la critique, et que le vulgaire juge sévèrement, parce qu’il croit toujours qu’on peut tout ce qu’on veut. Le ministère, quoique puissant et solide, était loin d’être respecté, et il essuyait, sans les redouter, les attaques d’une vive opposition. Ce n’est pas quand le public est tranquille qu’il est le plus indulgent.

Bolingbroke était un peu embarrassé. Comment approuver Walpole ?