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BOLINGBROKE


SA VIE ET SON TEMPS.




QUATRIEME PARTIE.




XVIII.

Bolingbroke, dont le père vivait, n’était riche que de la fortune de sa femme. Atteinte d’abord dans ses revenus par la confiscation, elle obtint bientôt une provision convenable. Elle parait avoir ressenti noblement les malheurs d’un mari qui la regrettait peu, et rien ne prouve qu’elle méritât ses dédains. Swift parle d’elle avec estime, avec goût, et deux lettres d’elle qu’il nous a laissées ne sont pas d’une femme sans esprit. Il était tout simple d’ailleurs qu’elle restât en Angleterre, en s’occupant plutôt des intérêts que du bonheur de son mari. Quant à lui, il n’emporta dans son exil qu’une somme de 13,000 livres sterling ; mais ce ne sont ni les pertes d’argent, ni les liens de famille, encore moins les peines de cœur, qui lui rendaient la proscription cruelle. Le sentiment de sa chute était sa vraie douleur, qui l’irritait pourtant et ne l’abattait pas. Son esprit n’était pas fait pour languir dans le découragement. Ce n’est pas au lendemain d’un revers qu’on en mesure la grandeur : ce qui est tout nouveau parait rarement durable, et dans les premiers momens le triomphe d’un adversaire frappe comme un accident passager. Bolingbroke a écrit plusieurs fois qu’il avait de bonne heure regardé l’avènement