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sont accompagnés de déplacemens dans le lit des mers, ce qui ressemble assez aux périodes séparées par des incendies et des déluges (elles qu’on les trouve chez les Mexicains, chez les anciens Scandinaves, chez divers peuples de l’Orient, et telles que nous les ont transmises plusieurs philosophes et plusieurs poètes de l’antiquité[1].

Le style de décoration qui prévaut dans l’intérieur de la cathédrale se trouve dans toutes les autres églises de Mexico. Partout sont des retables, c’est-à-dire des peintures séparées les unes des autres par des cadres sculptés, par des figures en demi-relief et en ronde bosse, mélange singulier qui frappe l’œil dans toutes les églises espagnoles des deux mondes. Le cadre est un objet d’art comme le tableau, et souvent tient autant de place que lui ; quelquefois l’accessoire est devenu le principal : il en résulte un ensemble qui souvent n’est pas d’un goût très pur, mais presque toujours d’une grande richesse et d’un grand effet. Quelquefois les peintures expriment un vif sentiment de ferveur ; en général elles sont peu remarquables et souvent tout à fait mauvaises. Des crèches, d’un goût puéril, ressemblent à des jouets d’enfant. J’ai vu un grand Christ dont la tunique était semée de roses qui simulaient des gouttes de sang : mélange du gracieux et du sombre qui peignait assez bien le double génie de la dévotion espagnole.

Les cloîtres abondent à Mexico ; on dit qu’il y existe cinquante-huit églises et trente-six couvens. L’enceinte de San-Francisco renferme plusieurs églises et plusieurs cloîtres entourés d’un grand mur qui donne à l’ensemble l’air d’une forteresse. Il semble que la tradition du grand téocalil mexicain, qui comprenait soixante-dix-huit édifices consacrés au culte des Aztèques, se soit conservé sur une moindre échelle dans cet entassement d’édifices religieux chrétiens. Comme la Nouvelle-France du Canada est en réalité pour nous la vieille France, la Nouvelle-Espagne est vraiment la vieille Espagne, l’Espagne avec des moines et avec tous les abus de la vie monacale dégénérée. Les moines de Mexico sont loin de mener une vie édifiante. Un légat du pape est en ce moment dans cette ville ; il y a été envoyé pour tâcher d’introduire dans les couvens une réforme dont ils ont grand besoin. On dit qu’il désespère de réussir. Le pape actuel voudrait faire ici ce qu’il a tenté à Rome : réduire le nombre des couvens en agglomérant les religieux d’un même ordre dispersés dans plusieurs maisons, dont

  1. Gama, mais cette opinion lui est, je crois, particulière, a cru remarquer, au pourtour de la pierre de Mexico, huit trous dans lesquels il suppose qu’étaient plantés des gnomons entre lesquels on tendait, selon lui, des fils dont l’ombre projetée sur la pierre pouvait indiquer les équinoxes et les solstices. Quoi qu’il en soit, ce monument est trop curieux pour que je n’aie pas cru devoir en dire quelques mots, propres du moins à en faire apprécier l’importance.