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Cortez, après avoir détruit la ville de Montezuma[1], fit construire la sienne sur le même plan. Les quartiers de la ville actuelle correspondent aux quatre quartiers de l’ancienne capitale et de plusieurs autres villes aztèques. Celle-ci était construite avec la plus exacte symétrie et divisée en carrés et en parallélogrammes. Cette disposition, qui est évidente sur un plan de la ville aztèque dont on possède un fragment, me paraît avoir été assez générale au Mexique avant la conquête, l’ai vu deux autres plans d’anciennes villes qui offrent la même régularité : elle est encore sensible dans l’aspect de la ville de Cholula.

Le Mexico primitif était traversé par des canaux comme Venise, ou plutôt comme les villes de Hollande, car il y avait en général un chemin latéral entre le canal et les maisons. Quoi qu’il en soit, Cervantes a pu, dans une de ses nouvelles, comparer Venise à Mexico. Aujourd’hui on a d’abord de la peine à s’expliquer cette comparaison. Les canaux ne sont visibles que dans un quartier de la ville, partout ailleurs ils ont disparu aux regards, mais ils existent encore sous le sol pavé des rues qui les ont remplacés et qui marquent la direction des canaux. Un changement pareil attend probablement Venise elle-même. Un jour, ses canaux seront comblés, et les voitures rouleront où glissent maintenant les gondoles ; partout l’extraordinaire, le singulier, tendent à disparaître ; l’uniformité et la monotonie s’emparent du monde. Quelquefois les anciens canaux, aujourd’hui transformés en égouts, se révèlent par l’odeur qu’ils exhalent. Ça et là, dans les faubourgs de la ville, je vois des amas d’ordures et des eaux stagnantes et croupissantes. Rien ne montre mieux combien fait de Mexico est salubre. Partout ailleurs ces cloaques produiraient mille maux : mais à huit mille pieds au-dessus de la mer, à une hauteur qui est celle de la moyenne région des Alpes, la pureté de l’atmosphère est telle que les maladies si fréquentes dans les parties basses du pays sont ici entièrement inconnues. Seulement la situation de Mexico est contraire aux poitrines délicates, qui peuvent difficilement respirer dans une atmosphère si rare. L’été, cette atmosphère est troublée par des orages presque journaliers. À cela près, le climat de Mexico est très sain ; il est aussi très agréable, parce qu’il n’atteint jamais les extrémités du chaud et du froid, et forme sous ce rapport un parfait contraste avec les brusques changemens de climat des États-Unis. Son plus grand inconvénient, c’est que, durant plusieurs mois, au lieu des pluies continues ordinaires dans les pays tropicaux, il

  1. Le véritable nom de ce prince était Motenczuma. J’ai suivi l’usage établi. Je ne vois pas quel agrément donne à une phrase française l’introduction d’un nom bizarre et inaccoutumé. Je dirais volontiers Montézume, et je regrette le temps où Bossuet appelait M. de Fuentes le valeureux comte de Fontaines.