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abondamment pour que la conversion de la dette hypothécaire s’exécutât rapidement et sur une vaste échelle.

Nous allons plus loin. Pourquoi ne réaliserait-on pas des à présent une telle amélioration ? Tout le monde y gagnerait, les prêteurs, les emprunteurs, le pays tout entier. Si nous ne nous trompons pas, le Crédit foncier de France supporte pour intérêts, primes, amortissement et frais de gestion, une redevance de 5 francs 10 centimes par 100 francs qu’il emprunte, l’excédant de 10 centimes étant compensé par la subvention. Eh bien : en élevant à 4 pour 100 l’intérêt annuel, 64 centimes suffiraient pour l’amortissement ; l’extension des affaires permettrait en même temps de réduire les frais d’administration, de sorte que les résultats se rapprocheraient beaucoup de ce qui existe aujourd’hui.

Certes, nous n’avons pas la prétention de donner des conseils à une société qui réunit dans son comité directeur quelques-uns des hommes les plus clairvoyans du monde financier ; nous ne faisons que traduire les vœux que nous avons entendu énoncer plus d’une fois. Le moyen de s’assurer des véritables dispositions du public serait d’émettre une nouvelle série d’obligations à 5 pour 100, en laissant aux porteurs des séries précédentes la faculté de changer les titres anciens contre les nouveaux. Pour ceux qui tiennent aux remboursemens avec plus-value et aux tirages de loteries, on combinerait les chances aléatoires de manière à réserver leurs droits. Violerait-on l’esprit et la lettre du contrat passé entre la société et les porteurs d’obligations, en réduisant la somme consacrée aux lots, si le nombre des numéros participant aux tirages était réduit proportionnellement ? mais ne le croyons pas. Quant aux coupures de 100 francs, un excellent moyen d’en développer la circulation serait d’en faire payer la rente dans toutes les succursales. Si en même temps une publicité incessante, ingénieuse, parlant divers langages pour pénétrer partout, faisait comprendre dans les salons et dans les chaumières le mécanisme du crédit foncier et les garanties vraiment exceptionnelles que présentent les lettres de gage, on accoutumerait le public à voir dans ces nouvelles valeurs un placement normal et solide, sur lequel on peut asseoir avec sécurité l’avenir d’une famille. Les petites coupures, ramassant les économies stagnantes, remplaceraient en beaucoup de cas les caisses d’épargne, et, nous en sommes convaincu, la conversion de l’ancienne dette hypothécaire s’opèrerait si rapidement, que le Crédit foncier de France pourrait bientôt distribuer à ses actionnaires un dividende de 8 à 10 pour 100, même en abaissant beaucoup, si cela devenait nécessaire, la prime qu’il se réserve pour ses frais et bénéfices.

Nous tiendrons nos lecteurs au courant de ce qui se fera en matière de crédit foncier, car il ne s’agit point ici d’une vulgaire entreprise intéressant seulement un groupe de spéculateurs, mais d’une affaire d’utilité générale dont la réussite ou l’avortement ne sera pas sans influence sur les destinées du pays.


ANDRE COCHUT.


V. DE MARS.