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de Nevers, son fonds nominal n’est que de 2 millions, divisé en 4,000 actions de 500 francs chacune. Cent seize actionnaires-fondateurs ont émis une première série de 1,200 actions, soit 600,000 francs, dont la moitié seulement devait être versée aux termes des statuts. Bien que l’article 20 du même acte portât que « 10 centimes par 100 francs pour lots et primes, s’il y a lieu, » seront compris dans l’annuité, les lots ont été élevés à 75 centimes. Les opérations ont commencé le 15 avril dernier. 281 demandes, formant un ensemble de 4,825,400 francs, ont été reçues ; 35 seulement ont été accueillies. Elles s’élèvent en sommes à 1,295,700 francs, suit en moyenne 37,020 francs.

On nous dira peut-être qu’il est inutile aux capitalistes de connaître avec précision la constitution et le bilan des banques foncières, que ces établissemens, opérant dans des limites étroitement tracées par la loi et sous l’inspection d’un commissaire de gouvernement, ne peuvent en aucune façon compromettre le capital qui leur est confié. Il faut s’entendre à ce sujet.

Lorsque le prêt a été effectué conformément aux prescriptions légales, le titre hypothécaire mobilisé sous le nom de lettre de gage constitue assurément la valeur la plus sûre qu’il soit possible de créer : la sécurité qu’elle inspire est la raison de la faveur comparative dont elle jouit ; mais, dans le système adopté chez nous, lorsque les prêts se font par l’intermédiaire d’une société qui emprunté pour replacer les fonds avec bénéfice, il y a un moment de transition où le prêt n’est pas gagé, où les avances faites par les bailleurs de fonds n’ont d’autre garantie que la solvabilité personnelle des banquiers emprunteurs, Jusqu’au jour où la compagnie a effectué des placemens hypothécaires, les fonds disponibles qu’elle a empruntés, et pour lesquels elle paie intérêt, doivent être utilisés. Si elle ne retrouvait pas un intérêt égal à celui qu’elle paie, elle subirait une perte ; si elle se chargeait à l’avance d’une masse de capitaux hors de proportion avec ses besoins, elle s’exposerait à de graves embarras.

Il est regrettable, à ce point de vue, que les Crédits fonciers de Marseille et de Nevers aient négligé de produire leur état de situation et la perspective de leurs affaires. Les fondateurs de ces sociétés n’ont probablement pas demandé 48 millions en quatre ans sans avoir étudié les besoins de leurs localités. Toutefois, à en juger par les expériences faites à Paris, la somme nous semble beaucoup trop forte. En prenant pour mesure relative des valeurs immobilières l’impôt foncier et celui des portes et fenêtres, les six départemens composant le domaine des sociétés de Marseille et de Nevers représentent en importance la vingtième partie du territoire. Or, faire un appel de 48 millions, c’est demander autant que si la société de Paris avait demandé 960 millions ! Douze millions par an (c’est ce que l’on compte placer à Nevers et à Marseille) correspondent à 240 millions de placemens annuels faits par le Crédit foncier de France. Eh bien ! après cinq ou six mois d’exercice, à ne compter que depuis sa transformation, il n’a encore appelé que 40 millions, dont il lui reste, une dizaine, en disponibilité.

La France n’en est encore qu’aux premiers tâtonnemens en matière de crédit foncier : les illusions sont donc bien excusables. On conçoit que les fondateurs d’une société provinciale, voyant leurs départemens grevés de 3 ou 400 millions