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dans l’histoire des choses littéraires, moins agitée pourtant que l’histoire des choses politiques contemporaines.

Revenons à cette histoire politique, qui n’emlirasse pas seulement notre pays, mais qui s’étend à tous les peuples. L’Angleterre est assurément au premier rang de ces peuples. L’Angleterre, comme la France, a eu pour principale affaire, dans ces derniers temps, la préoccupation de la crise orientale. C’est lorsque cette crise semblait entrer dans une voie décidément pacifique, que le parlement a été prorogé ; le 20 de ce mois, il s’est séparé après avoir entendu le discours d’usage, prononcé au nom de la reine. Du reste, rien de bien particulier ne caractérise ce discours, si ce n’est que d’un côté il constate le concert politique, qui existe entre l’Angleterre et la France au sujet des affaires d’Orient, et de l’autre il exprime une sorte de juste orgueil de voir l’état florissant des revenus publics, l’accroissement incessant du commerce, le progrès de l’aisance et du bien-être dans les classes laborieuses ; résultats éclatans qui viennent à l’appui de la politique de l’Angleterre. La fin de la session laisse donc le cabinet anglais en possession à peu près incontestée du pouvoir. Ce n’est point qu’il ne soit permis de croire à certaines divergences entre les membres du ministère, à l’occasion même des crises extérieures qui viennent de se produire. Lord Aberdeen, homme de 1815, particulièrement en rapport avec les cours de l’Europe ; est évidemment plus pacifique que lord Palmerston, qui eût peut-être consenti à quelque action plus décisive contre la Russie ; mais à travers tout c’est la nécessité qui maintient l’union du ministère. Les whigs, qui seraient portés à suivre de préférence la politique plus belliqueuse de lord Palmerston, craindraient aujourd’hui de dissoudre la coalition sur laquelle repose le cabinet actuel. Quant au pays en lui-même, bien que très pacifique d’intérêts comme de croyances, il ont appuyé aisément une politique plus décidée peut-être ; mais en définitive le fond de l’opinion est d’abord pour le maintien du ministère, ou, en d’autres termes, de la situation actuelle, ce qui s’explique facilement par la prospérité surprenante dont jouit l’Angleterre, c’est là pour le cabinet une force qui en vaut bien une autre.

Les dernières crises, du reste, ont produit en Angleterre un spectacle singulier qu’il n’est point inutile d’observer. Que n’a-t-on point dit sur l’impossibilité de diriger une grande affaire de politique extérieure au milieu des discussions incessantes du régime constitutionnel ! Eh bien ! voilà une occasion qui s’est offerte ; et certes il ne s’en offrira pas de plus grave : le parlement était réuni ; il suivait naturellement les incidens successifs de ces complications ; il interrogeait le gouvernement ; cependant ; dès que le cabinet refusait de répondre dans un intérêt publie, les interpellations cessaient aussitôt. Il y a des journaux français qui ont eu la fantaisie de se moquer quelque peu de l’Angleterre, parce qu’en Angleterre, disaient-ils, on ne savait rien du gouvernement, tandis que la France avait le Moniteur. Ils auraient dû, avec un peu plus de bon sens, admirer cette ferme contenance d’un peuple libre qui s’impose à lui-même de ne point troubler son gouvernement dans la poursuite d’un intérêt de premier ordre. C’est ainsi, comme on le remarquait récemment, que l’Angleterre est arrivée à demeurer inébranlable au milieu des révolutions qui ont bouleversé l’Europe, et à rester constitutionnelle et libre