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plus grand détail par le célèbre chevalier Manzi, qui a écrit de très bonnes dissertations sur l’origine de ces tombeaux, et par le savant M. Acolti de Corneto. Le roi est descendu dans tous les tombeaux, et comme le contact de l’air altère pratiquement les couleurs brillantes dont leurs parois intérieures sont revêtues, sa majesté a fait venir de Rome M. Ruspi, peintre fort distingué et surtout fort consciencieux ; elle lui a ordonné de s’établir pour quinze jours dans cette nécropole et de faire des copies exactes des quatre côtés et du plafond de chacun de ces tombeaux.

Vingt-deux de ces tableaux, de la grandeur des originaux, sont exposés dans deux salles du musée de Munich et offrent la réunion de la couleur la plus brillante, si ce n’est la plus vraie, et du dessin le plus sublime. La manière dont les torses sont dessinés rappelle ce qu’il y a de plus beau dans les figures du Parthénon ; mais ce qui est fort singulier, les mains ont à peine la forme humaine.

Nous avons eu occasion, il y a trois ans, de voir M. Ruspi travailler à de nouvelles copies de ces peintures singulières : elles représentent en général des cérémonies funèbres ou des combats ; les figures ont de deux à quatre pieds de proportion. Nous nous sommes assuré que M. Ruspi n’ajoutait rien au dessin vraiment sublime et aux brillantes couleurs des originaux. Jamais, par exemple, il n’a voulu corriger les mains, qui ressemblent tout à fait à des pattes de renoncules. Mais nous apprenons que depuis trois ans les couleurs de ces fresques ont bien changé. Un chien lupo placé au pied d’une des tables, dans un des tableaux représentant une cérémonie funèbre, et dont on admirait, la vérité et l’esprit, a disparu entièrement.

Les vases de Corneto n’ont été un peu connus à Paris que par la vente du cabinet de M. Durand, l’homme de ces derniers temps qui a le mieux connu la valeur vénale des objets d’art. M. Durand racontait que dès 1792 il avait parcouru la côte d’Etrurie, de Pise jusqu’à Civita-Vecchia et Cervetri, trouvant dans chaque village huit ou dix vases à vendre ; mais jamais il ne put savoir des paysans comment ils s’étaient procuré ces vases. Il est vrai que cette ignorance était compensée par la modicité de leurs prétentions. M. Durand obtenait pour 2 écus pièce (11 francs) des vases qui valaient 2 louis à Rome et 6 louis à Londres.

Vers 1802, des Anglais, amis du célèbre John Forsyth, qui étaient venus à Civita-Vecchia pour la chasse du sanglier, ayant été conduits tout à fait sur le bord de la mer, vers Montalto, trouvèrent les soldats chargés de garder les tours placées le long du rivage qui, pour se désennuyer, tiraient à la cible avec leurs fusils de munition sur de beaux vases peints de deux pieds de haut. Ces vases, quoique atteints déjà de plusieurs balles, furent payès fort cher par les Anglais. Plusieurs hasards du même genre ont mis les vases en grand hon-