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tout l’héritage de Charles-Quint et pour ne pas se contenter de la part magnifique que lui réservaient les deux rois, eurent la possibilité d’entraver, par leurs représentations et par leurs intrigues, le travail auquel se livraient avec une si active prévoyance les deux plus grands politiques de l’Europe. Les Hollandais, de leur côté, ne se résignaient pas sans peine à concourir à l’agrandissement de la puissance de Louis XIV, et toute la persévérance, toute l’habileté de Guillaume suffisaient à peine à les convaincre de la nécessité de surmonter, dans l’intérêt de la paix, leur profonde répugnance. Enfin les embarras toujours croissans que ce prince rencontrait dans le gouvernement de l’Angleterre, la lutte acharnée que les partis lui livraient dans le parlement, les refus, les humiliations que lui infligeait sans cesse une chambre des communes en qui l’esprit de faction semblait avoir étouffé tout sentiment de patriotisme et toute pensée vraiment politique, le mettaient en assez mauvaise situation pour traiter avec un roi absolu qui n’avait de comptes à rendre à personne dans l’intérieur de ses états, et qui au dehors n’avait pas d’alliés à ménager. Le gouvernement français suivait très attentivement le mouvement de ces querelles intérieures, et, comme il en comprenait trop peu la nature pour ne pas s’en exagérer la portée, il n’était par momens que trop enclin à se persuader qu’il pouvait sans péril élever ses prétentions en présence d’adversaires aussi divisés. Tallard continuait à faire tout ce qui dépendait de lui pour prémunir le cabinet de Versailles contre cet excès de confiance. Il informait Louis XIV des votes par lesquels la chambre des communes venait de refuser à Guillaume la possibilité d’appuyer ses négociations au moyen d’une attitude militaire imposante ; mais il lui écrivait en même temps : « Je dois avertir votre majesté que s’il survenait la moindre circonstance qui pût inspirer aux Anglais un sentiment d’inquiétude jalouse, si on pouvait leur persuader qu’ils ont des raisons de se tenir sur leurs gardes, le même esprit de liberté et de mobilité qui les pousse, à faire tout ce que j’ai eu l’honneur de vous exposer les amènerait à donner jusqu’à leur dernier penny pour leur défense, ou pour repousser ce qu’ils considéreraient comme une injure qu’on voudrait leur infliger. »

Après quinze mois employés par Guillaume III à surmonter ces obstacles divers et surtout à essayer bien vainement d’obtenir le consentement de la cour de Vienne, le second traité de partage de la monarchie espagnole fut enfin signé à Londres le 13 mars 1700, et à La Haye le 29 du même mois, entre les trois puissances qui avaient conclu le premier. Il assignait au dauphin les Deux-Siciles, les places de Toscane, les îles situées dans le voisinage, le Guipuzcoa et le duché de Lorraine, dont le souverain devait être dédommagé par la