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possible de croire qu’elle y ait été complètement étrangère ; ce serait accuser sa prévoyance.

Quoi qu’il en soit, Louis XIV, une fois résolu à faire la paix et même à l’acheter au prix de sacrifices réels, montra une grande habileté dans les moyens qu’il mit en œuvre pour atteindre son but. Tout en s’abstenant, malgré ses victoires, d’exiger des cessions territoriales comme dans les négociations précédentes, tout en offrant même des restitutions et des garanties dont l’importance étonnait les plus modérés de ses ennemis, il fit entendre très nettement que ces propositions étaient son dernier mot, et qu’on n’obtiendrait rien de plus ; il se refusa constamment à toutes les modifications qu’on essaya d’y apporter, et comme en effet les conditions proposées par lui étaient raisonnables, elles finirent par être acceptées, en sorte que Louis XIV parut avoir dicté encore le traité même qui était pour lui un premier pas rétrograde, et que la paix de Ryswick, si elle mit un terme aux agrandissemens matériels de la France, si même elle lui enleva une partie de ses dernières conquêtes, ne porta aucune atteinte à sa considération ni à sa force morale. Là où se révélait en réalité le résultat d’un commencement de lassitude et de faiblesse, on voulut voir l’effet, non pas peut-être de la modération, mais de quelque calcul ambitieux que l’avenir expliquerait bientôt. Quelques-unes des puissances alliées contre la France, l’Autriche surtout, s’étaient d’ailleurs promis, d’une coalition en apparence si formidable, de tels avantages, que ceux auxquels elles se trouvaient réduites leur paraissaient presque de nouveaux sacrifices. La France restait encore la première des puissances, la plus riche, la plus féconde en ressources de tout genre, la plus habilement gouvernée, et capable à elle seule de se faire craindre du reste de l’Europe.

Nul plus que Guillaume III n’avait contribué à cette pacification. Avec la sagacité et la prudence qui le caractérisaient et qui ne laissaient en lui aucune place à l’entraînement des passions, il avait su discerner mieux que ses confédérés le moment et les conditions auxquels on pouvait et on devait terminer d’une manière utile autant qu’honorable une guerre dont les deux nations qui lui avaient confié leurs destinées, l’Angleterre et la Hollande, supportaient presque tout le poids. Il avait réduit l’ambition de Louis XIV à s’arrêter dans ses empiétemens et son orgueil à le reconnaître comme roi de la Grande-Bretagne : il jugeait avec raison que c’étaient là d’assez grands résultats, et il s’étonnait en quelque sorte de les avoir obtenus. Les difficultés qu’il éprouvait dans le gouvernement de l’Angleterre, si différent de celui des Provinces-Unies, auquel il était habitué depuis sa première jeunesse, devaient l’engager d’ailleurs à ne pas prolonger sans une nécessité absolue une lutte qui, aux yeux des Anglais,