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douteux que l’énergie chimique du courant fût capable de se transmettre efficacement à de grandes distances.

Après Volta, qui trouva la pile électrique et son courant, après OErsted, qui découvrit l’action du courant sur l’aiguille aimantée, viennent les travaux de M. Arago, qui reconnut que le courant produisait des aimans très énergiques par son action sur des barreaux de fer doux entourés de fils conducteurs de l’électricité. Une fois en possession de cette énergique action, la télégraphie électrique a tout osé. Elle a fait parcourir à des aiguilles analogues à des aiguilles de montre les divers points d’un cadran où sont écrits les lettres et les chiffres que l’on veut indiquer à son correspondant. Ce que le courant fait à Paris, il le fait à Marseille, et l’indication du cadran de Paris se répète fidèlement à mille, à deux mille, à trois mille kilomètres. Bien plus, comme l’aimant instantané produit dans l’expérience de M. Arago peut être rendu plus ou moins énergique à volonté, on peut développer assez de force pour faire imprimer la lettre que l’on a amenée devant le papier à dépêches, ou bien on peut marquer sur ce papier des points, des traits, des combinaisons de ces deux signes, soit avec de l’encre, soit à la pointe sèche en rayant ou perçant le papier ; en un mot, l’action de l’aimant qui peut tirer, pousser, frapper, presser, etc., doit être considérée comme l’action d’une main que l’on pourrait étendre de Paris à Marseille ou de New-York à la Nouvelle-Orléans, c’est-à-dire à plusieurs mille kilomètres de distance.

On peut facilement imaginer que les premiers principes de Volta, d’OErsted, d’Arago une fois livrés au public, la spéculation industrielle s’en empara, et épuisa tout ce que le génie de l’homme, activé par la beauté du sujet ou par le mobile de l’intérêt, peut inventer de plus ingénieux et de plus utile. Ce serait la matière de plusieurs volumes, que d’essayer de faire connaître, même sommairement, tout ce qui a été fait dans ce genre et tout ce qu’on y ajoute journellement. Dans l’état actuel de la télégraphie électrique, on peut, pour quelques centaines de francs, se procurer le plaisir d’établir dans son domaine, entre deux bâtimens même fort éloignés, deux postes télégraphiques à cadrans avec des sonneries pour avertir qu’on veut correspondre ou transmettre des ordres, ces transmissions se faisant par des indications de lettres et de chiffres ordinaires qui n’offrent aucune difficulté à envoyer ou à recevoir et à lire.

Après les États-Unis, où la télégraphie électrique a dû prendre un prodigieux développement, puisque, cette nation a un continent tout entier pour territoire, c’est en Angleterre, dans un territoire au contraire très peu étendu, que l’activité commerciale a considérablement développé l’emploi du télégraphe électrique. Commençons cependant par la France.

Ce n’est guère que depuis 1850 que notre pays est entré sérieusement dans la voie de la télégraphie électrique. Cette belle branche de la science et de l’industrie y prend aujourd’hui un rapide développement. Strasbourg, Lyon, Marseille, Bordeaux, Nantes, le Havre, Calais, Dieppe, Toulouse, sont atteints, et de semaine en semaine, d’après le magnifique plan mis en exécution par notre belle administration télégraphique française ; l’année 1853 ne se terminera point sans qu’on ait relié à Paris tous les chefs-lieux des départemens au moins par deux communications électriques. L’École polytechnique,