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vaste aujourd’hui, où l’on a reconnu qu’il n’est à peu près aucun phénomène de la nature vivante ou inorganique, — dans l’atmosphère, sur la terre, sur les mers, — où son action ne vienne se mêler, sans compter les orages de foudre où l’électricité joue le principal rôle. Disons seulement, en ce qui se rapporte à notre sujet, que l’électricité, quelle que soit sa nature ou son origine, est susceptible d’être transmise à toute distance le long des fils métalliques, et qu’elle s’y propage avec une rapidité presque infinie.

Enfin, si nous voulons définir théoriquement l’électricité, nous concevrons cet agent comme un fluide excessivement léger, susceptible de se répandre, de couler pour ainsi dire le long des corps conducteurs, de manière à en atteindre instantanément les extrémités les plus éloignées par une espèce de courant, dont l’écoulement donne naissance à des actions mécaniques, physiques, physiologiques en traversant les différens corps. Au milieu du siècle dernier, la commotion nerveuse produite par l’appareil appelé bouteille de Leyde appela l’attention du public sur l’électricité agissant ainsi sur l’homme et sur les animaux, et la phrase se faire électriser indique encore l’effet de cette expérience sur l’homme. Plus tard. Franklin ayant soutiré l’électricité des nuages et inventé les paratonnerres, l’attention resta fixée sur cette branche importante de la physique.

Tout à la fin du dernier siècle, Volta, en empilant plusieurs disques de deux métaux différens, séparés par des disques non métalliques, mit au jour un appareil merveilleux, qui non-seulement produit de l’électricité, mais qui la renouvelle continuellement dès qu’elle s’est écoulée par un fil métallique. Voilà notre courant télégraphique : un appareil de Volta, une pile électrique, à Paris, étant armée à sa partie supérieure d’un fil de fer ou de cuivre qui va porter l’électricité, jusqu’à Marseille, produit un courant continu, allant de la première de ces villes à l’autre, en sorte que, si l’on avait un moyen de savoir quand le courant passe ou ne passe pas par le fil, on pourrait, en lançant ou arrêtant à Paris le courant électrique, faire des signaux à Marseille, ou même à une distance bien plus grande, et cela instantanément.

Or c’est précisément ce que nous pouvons faire au moyen de la découverte. d’OErsted, physicien danois, qui, en 1820, trouva que, quand on fait parcourir un fil métallique à un courant parti d’une pile de Volta, il annonce son passage en agitant une aiguille aimantée placée près du fil métallique et le long de celui-ci. Pour faire donc un signal de Paris à Marseille, nous aurons près de l’extrémité du fil, qui est dans cette dernière ville, une aiguille aimantée, et par les mouvemens qu’elle prendra quand nous enverrons le courant, nous aurons le signal de Paris. Pour faire de ces signaux un véritable alphabet, nous conviendrons que les lettres A, B, C, etc., seront représentées par un certain nombre de mouvemens de l’aiguille à droite ou à gauche. Tel est le fondement et la manière de procéder du télégraphe dit télégraphe anglais parce qu’il est à peu près exclusivement employé de l’autre côté de la Manche. La première indication de ce télégraphe fut donnée par l’illustre Ampère, ainsi que nous le verrons tout à l’heure. Dans les premières années qui suivirent l’invention de la pile de Volta, Soemmering proposa de faire des signaux par la pile voltaïque en faisant agir chimiquement le courant à une grande distance sur des matières décomposables par l’électricité ; mais il était fort