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ADELINE PROTAT.

rompue par un bruit de pas et de voix qu’on entendit au bas de l’escalier : c’était Lazare qui rentrait accompagné de Zéphyr. Protat s’était décidé à expliquer à l’artiste l’embarras où il se trouvait à propos des logemens. Lazare n’avait manifesté aucune contrariété.

— C’est bon, répondait-il aux excuses que lui adressait le sabotier, j’irai coucher à la Maison-Blanche, et même, si cela vous accommode mieux, j’y prendrai aussi mes repas.

— Ah ! pour ça ce n’est pas utile, dit Protat. Je vous remercie bien de votre complaisance, monsieur Lazare. — Et il redescendit l’escalier enchanté de l’issue de sa négociation.

L’artiste, en entrant dans sa chambre, y trouva les objets appartenant à Cécile, que la Madelon était venue y apporter. — Ah ! dit-il, cette dame a déjà pris possession. Zéphyr, mon ami, tu vas transporter tous mes ustensiles à la Maison-Blanche.

— Dites donc, monsieur Lazare, fit l’apprenti en préparant les paquets, la Madelon assure qu’elle est belle comme le jour, la dame qui va demeurer ici. Ça n’est pas étonnant au fait… puisqu’elle vient de Paris. Avez-vous vu son châle dans la salle à manger ? quelle belle pièce ! C’est plus brillant que la chasuble à M. le curé. Et la plume qui est sur son chapeau donc ! Ah ! oui, ma foi, ce doit être une bien belle dame.

— Ah ça ! interrompit Lazare, est-ce que tu vas en devenir amoureux aussi, et oublierais-tu déjà Adeline pour un châle brodé et un brin de marabout ?

— Il faudra bien deux voyages pour porter toutes vos affaires à la Maison-Blanche, dit l’apprenti, passant à une autre idée.

— Eh bien, tu les feras. Cette dame peut avoir besoin de la chambre, il faut qu’elle la trouve libre ; dépêche-toi. Puisqu’il y a du monde à dîner, je vais me donner un coup de rasoir. Je suis bien fâché de n’avoir pas apporté un habit noir, acheva l’artiste en se parlant à lui-même.

— Dites donc, monsieur Lazare, reprit l’apprenti, elle doit aimer les bonnes choses, la dame qui vient d’arriver… J’ai vu la Madelon qui décrochait le four de campagne. Il se pourrait bien qu’il y eût un gâteau.

— Il se pourrait, dit Lazare.

— Dans ce cas-là, dit Zéphyr, vous, qui serez là, tâchez donc qu’on m’en garde un peu ; j’ai peur que M. Protat n’y pense pas.

L’artiste lui promit de ne pas oublier la recommandation, et Zéphyr descendit pour opérer le déménagement. Comme nous l’avons dit, la mince cloison qui séparait la chambre où se trouvaient Adeline et son amie de celle occupée par Lazare permettait de l’une à l’autre d’entendre tout ce qui se disait dans les deux pièces.