quelque ombre de beauté, notre éclectisme ne fait pas chanceler en nous le sentiment de la beauté véritable et la règle suprême de l’art. Ce que nous demandons aux diverses écoles, sans distinction de temps ni de lieu, ce que nous cherchons au midi comme au nord, à Florence, à Rome, à Venise et à Séville, connue à Anvers, à Amsterdam et à Paris, partout où il y a des hommes, c’est quelque chose d’humain, c’est l’expression d’un sentiment ou d’une idée.
Une critique qui s’appuierait sur le principe de l’expression dérangerait un peu, il faut l’avouer, les jugemens reçus, et porterait quelque désordre dans la hiérarchie des renommées. Nous n’entreprenons point une pareille révolution ; nous nous proposons seulement de confirmer ou d’éclaircir au moins le principe par un exemple, et par un exemple qui est sous notre main.
Il y a dans le monde une école autrefois illustre, aujourd’hui fort légèrement traitée : cette école est l’école française du XVIIe siècle. Nous voudrions la remettre en honneur, en rappelant l’attention sur les qualités qui ont fait sa gloire.
Nous avons travaillé avec constance à réhabiliter parmi nous la philosophie cartésienne, indignement sacrifiée à la philosophie de Locke, parce qu’avec ses défauts elle possède à nos yeux l’incomparable mérite de subordonner les sens à l’esprit, d’élever et d’agrandir l’homme. De même nous professons une admiration sérieuse et réfléchie pour notre art national du XVIIe siècle, parce que, sans nous dissimuler ce qui lui manque, nous y trouvons ce que nous préférons à toute chose, la grandeur unie au bon sens et à la raison, la simplicité et la force, le génie de la composition, surtout celui de l’expression.
La France, insouciante de sa gloire, n’a pas l’air de se douter qu’elle compte dans ses annales le plus grand siècle peut-être de l’humanité, celui qui comprend dans son sein le plus d’hommes extraordinaires en tout genre. Quand, je vous prie, a-t-on vu se donner la main des politiques tels que Henri IV, Richelieu, Mazarin, Colbert, Louis XIV ? Je ne prétends pas que chacun d’eux n’ait des rivaux, même des supérieurs. Alexandre, César, Charlemagne, les surpassent peut-être, mais Alexandre n’a qu’un seul contemporain qui lui puisse être comparé, son père Philippe ; César n’a pu même soupçonner qu’un jour Octave serait digne de lui ; Charlemagne est un colosse dans un désert ; tandis que chez nous ces cinq grands hommes se succèdent sans intervalle, se pressent les uns contre les autres, et ne forment pour ainsi dire qu’une âme. Et par quels capitaines n’ont-ils pas été servis ! Condé est-il vraiment inférieur à Alexandre, à Annibal et à César ? car, pour d’autres émules, il ne faut pas lui en chercher. Qui d’entre eux l’emporte sur lui par l’étendue