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non moins curieux, c’est lord Palmerston, sommé dans la chambre des communes, par M. Duncombe, M. Bright, M. Cobden, de proclamer l’innocence de M. Kossuth. C’est lord Palmerston en effet qui, comme ministre de l’intérieur, a eu à diriger l’expédition de Rotherhitte, et quand à affirmer l’innocence de M. Kossuth, il s’en garde bien, il est même facile de voir qu’il n’en croit pas un mot. S’il a accueilli autrefois avec chaleur le dictateur de la Hongrie, il semble tout prêt aujourd’hui à l’exécuter très poliment. Voilà déjà plusieurs séances de la chambre des communes qui ont été remplies du récit des tribulations de M. Kossuth, et la dernière s’est terminée par une déclaration de lord John Russell disant le mot final de la politique du cabinet de Londres au sujet des réfugiés et de M. Kossuth en particulier. Cette déclaration, c’est que, si l’Angleterre est décidée à maintenir sur son sol l’inviolabilité du droit d’asile, elle ne l’est pas moins à empêcher tout ce qui ressemblerait à une préméditation d’attaque année contre les autres gouvernemens, et il faut l’ajouter, tout cela a été dit dans des intentions peu favorables à M. Kossuth.

Veut-on voir les idées révolutionnaires sur un autre terrain, où malheureusement elles règnent d’une manière despotique ? On n’a qu’à jeter les yeux, en Suisse, sur le canton de Fribourg, qui a l’inestimable avantage de jouir d’un gouvernement révolutionnaire un se souvient de réchauffourée qui a eu lieu le mois dernier à Fribourg ; cette tentative désespérée des populations a eu de tristes conséquences. Après sa facile victoire, le gouvernement fribourgeois, bien loin de se modérer, n’a fait que redoubler de violence : les arrestations se sont succédé. Tout ce qui était conservateur est devenu l’objet de mesures vexatoires, et le gouvernement de Fribourg a couronné son œuvre en rendant un décret qu’on retrouve dans l’arsenal de toutes les armes révolutionnaires : il a ouvert un emprunt forcé qui « pèsera, dit ce décret, sur les rentiers et capitalistes, mais principalement sur les auteurs et fauteurs présumés de l’insurrection. » On voit comment procèdent les autorités fribourgeoises, et où elles peuvent aller avec des moyens comme ceux qu’elles mettent en usage. Qu’en peut-il résulter ? Un état d’agitation, d’irritation permanente. Là où le gouvernement se sent près d’être vaincu légalement, il use de la force et emporte les élections à la pointe du sabre. C’est là ce qui vient d’arriver dans une élection à Bulle. Un député était à nommer ; deux candidats étaient en présence : M. Fracheboud pour le parti radical, M. Wuilleret pour le parti conservateur. Au moment où s’est ouverte l’assemblée électorale, les deux partis étaient réunis ; le préfet, président de l’assemblée, s’est hâté de mettre aux voix le candidat du parti radical. Une majorité considérable semblait se dessiner contre lui ; il n’en a pas moins été proclamé député, malgré ce qu’il pouvait y avoir au moins de douteux dans deux épreuves successives ; et lorsque le parti conservateur a réclamé, conformément à la loi, un recensement des votes, les gardes civiques ont tiré leurs armes et ont fondu sur une foule inoffensive. Des coups de feu, assure-t-on, ont été tirés des fenêtres mêmes de la préfecture ; il y a eu plusieurs morts et une centaine de blessés. Des maisons ont été dévastées. Tels sont les procédés sommaires des radicaux de Fribourg en matière électorale. Ce guet-apens, comme on le pense, n’a fait qu’exaspérer encore plus la population. Une protestation a été adressée au conseil fédéral contre