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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 mai 1853.

Il y a dans un temps, dans un pays, des caractères généraux, des tendances générales qui sont l’expression de tout un mouvement humain, d’une phase de la civilisation. Que le monde se transforme par la puissance de l’industrie, par le génie des inventions matérielles ; qu’il soit déchiré et partagé par la lutte morale et politique des idées conservatrices et des idées révolutionnaires ; que sous un autre rapport, à un bout de l’Europe, il s’élève quelqu’une de ces questions où le vieil équilibre de l’Occident soit en jeu, — ce sont là ce que nous appelons les affaires générales du siècle. La transformation du monde par l’industrie, — elle se poursuit à travers tous les régimes avec une irrésistible intensité depuis la première application de la vapeur. La lutte des idées conservatrices et des idées révolutionnaires, — elle est au fond de tout ; elle est l’essence de l’histoire contemporaine depuis la révolution française. Cette question d’Orient qui change d’aspect sans changer de nature, qui se réveillait hier encore ; et au sujet de laquelle la Russie n’a point dit son dernier mot à Constantinople, — elle était déjà posée à Tilsitt ; elle était sur le point, en 1840, d’allumer une guerre universelle. Il y a en même temps tout ce qui tient au moment particulier où l’on vit, à l’ordre d’institutions sous l’empire desquelles on est placé : incidens, symptômes, action des pouvoirs publics, déplacemens de la vie, tourbillonnement des intérêts, caprices de la mode, mouvement d’une société qui a passé par trop de révolutions pour n’être point quelque peu incohérente, dont les blessures ne sont pas assez vieillis pour qu’elle ne se trouve bien du repos, et qui conserve néanmoins assez de ressort et de vitalité pour sentir encore le besoin d’agir et de s’occuper. Si on voulait étudier jour par jour cette société, on y découvrirait plus d’un curieux symptôme ; on y trouverait aisément plus d’une nuance, plus d’un type caractéristique. Il y a ceux qui se donnent et se refusent à la fois, et d’autres qui ne demanderaient pas mieux quelquefois que de se laisser