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assez d’épaisseur, tantôt reparaissant à nu quand les pierres étaient trop près de la surface. C’est que, pas plus que les autres espèces, le termite de La Rochelle ne travaille à découvert. Une vigilance incessante, parfois le hasard, peuvent seuls mettre sur ses traces et prévenir ses ravages. À l’époque du voyage de M. Audouin, on venait d’en acquérir une preuve curieuse. Un beau jour, les archives du département s’étaient trouvées détruites presque en totalité, et cela sans que la moindre trace du dégât parût au dehors. Les termites étaient arrivés aux cartons en minant les boiseries, puis ils avaient tout à leur aise mangé les papiers administratifs, respectant avec le plus grand soin la feuille supérieure et le bord des feuillets, si bien qu’un carton rempli seulement de détritus informes semblait renfermer des liasses en parfait état. Les bois les plus durs sont d’ailleurs attaqués de même. J’ai vu, dans l’escalier des bureaux, une poutre de chêne dans laquelle un employé faisant un faux pas avait enfoncé la main jusqu’au-dessus du poignet. L’intérieur, entièrement formé de cellules abandonnées, s’égrenait avec un grattoir, et la couche laissée intacte par les termites n’était guère plus épaisse qu’une feuille de papier.

Dès après mon arrivée, je cherchai à me procurer une certaine quantité de termites pour les observer à loisir, et grâce au docteur Garreau, l’un des membres de la société d’histoire naturelle, j’en eus constamment sur ma table, bien entendu que les précautions étaient prises pour éviter une évasion qui eût termité une maison, et par suite un quartier de plus. Je les tenais dans un bocal moins qu’à demi-plein ; mes prisonniers ne pouvaient escalader ses parois de verre, et en les garantissant de la lumière, en les observant le soir ou les surprenant à l’improviste, j’ai pu suivre en détail les travaux qui leur firent transformer en une petite termitière l’amas confus de terreau et de débris au milieu desquels ils étaient ensevelis d’abord. À peine le bocal était-il installé depuis quelques instans, que chacun chercha à se réunir à ses compagnons. Quelques-uns essayèrent de grimper le long des parois lisses de leur prison ; mais, après quelques tentatives inutiles, ils s’enfoncèrent sous terre. La troupe entière fut bientôt dégagée, et je la vis partagée en petites bandes dans le fond du bocal, du côté le plus obscur. Au bout de quelques heures, ces groupes étaient réunis en un seul. À partir de ce moment, les travaux commencèrent et marchèrent avec ensemble. Le premier soin des termites fut d’établir autour du bocal une espèce de grande route, et comme les matériaux étaient très inégalement répartis, ils eurent à faire pour cela des déblais et des remblais. Les premiers étaient faciles ; les seconds donnèrent plus de peine. Les ouvriers transportèrent d’abord une certaine quantité de