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et les nymphes, au lieu d’attendre dans une oisiveté complète le temps marqué pour leurs métamorphoses, s’acquittent de tous les travaux. Ce sont elles qui élèvent les édifices, creusent les mines, amassent les provisions, entourent la mère commune, reçoivent et soignent les œufs. Quoique chargées des fonctions les plus pénibles, elles ont la plus petite taille. Les ouvriers des termites belliqueux, la plus grande des espèces observée par Smeathman, n’ont guère que 5 millimètres de long, et cinq d’entre eux pèsent à peine un milligramme. Ils ne sont donc guère plus grands que nos fourmis, auxquelles ils ressemblent assez pour qu’on leur ait longtemps donné le même nom[1]. Leur corps entier est d’une délicatesse telle qu’ils sont broyés au moindre froissement ; mais leur tête, bien proportionnée, porte des mandibules dentelées et d’une corne assez solide pour attaquer les corps les plus durs, à l’exception des métaux ou des pierres. Les soldats ont environ le double de longueur et pèsent autant que quinze ouvriers. Cet excès de poids est dû à leur énorme tête cornée, beaucoup plus grosse que le corps et armée de pinces aiguës, véritable armure offensive qui ne saurait servir au travail. Enfin l’insecte parfait atteint jusqu’à 18 millimètres de long, il pèse autant que trente travailleurs, et les quatre ailes qu’il reçoit pour quelques heures seulement ont près de 50 millimètres d’envergure. Nous verrons plus loin quelles singulières modifications semblent en outre être imposées aux femelles par la nature même du rôle qu’elles sont appelées à remplir.

Tous les termites sont mineurs ; la plupart sont en outre architectes. Il en est qui bâtissent leur nid sur les arbres autour de quelque grosse branche que ces insectes destructeurs savent fort bien respecter. Ces nids ont parfois la grosseur d’une barrique à sucre, et, quoique offrant une large prise aux ouragans des tropiques, quoique composés uniquement de petites parcelles de bois collées à l’aide des gommes du pays et des sucs fournis par les ouvriers eux-mêmes, ils ne sont jamais arrachés. Ces espèces, à vie presque aérienne, sont en petit nombre. La plupart construisent, au-dessus de leurs galeries souterraines, des édifices qui renferment leurs magasins et leurs couvoirs. Le termite atroce et le termite mordant élèvent ainsi de véritables colonnes surmontées d’un toit ou dôme qui déborde de tous côtés. Ces colonnes ont de 70 à 75 centimètres de hauteur sur environ 20 centimètres de diamètre. Elles sont construites en entier avec une sorte d’argile qui, pétrie avec la salive des termites, acquiert une dureté extraordinaire. On renverse une de ces colonnes en l’arrachant à ses fondemens plutôt que de la rompre par le milieu.

  1. Les créoles et la plupart des voyageurs désignent encore les termites sous le nom de fourmis blanches, à cause de leur forme, de leur taille et de leur couleur.