fondes s’ouvrent aux vaisseaux de haut-bord, il n’aperçut, flottant aux environs de la source, rien autre chose qu’un petit oiseau a peine gros comme un plongeon !
Au pied de ces froides montagnes, régions menaçantes et désolées, se déploient les heureuses vallées de Kachemire. Là règne un doux climat ; là, comme dans notre Provence, comme dans les fertiles plaines de la Lombardie, mûrissent les fruits savoureux des zones tempérées. Durant tout un siècle, les Afghans et les Sicks ont ravagé le Kachemire, qui a subi bien d’autres invasions et perdu son indépendance aux premiers temps de l’occupation musulmane : c’est le sort des pays favorisés par la nature d’exciter la convoitise des nations voisines. Après avoir été le paradis terrestre des vieilles familles brahmaniques, et plus tard la terre d’adoption des religieux bouddhistes, qui s’y étaient bâti des monastères nombreux, cette belle vallée a perdu sa joie et son repos. L’habitant de Kachemire, au regard fier, à la haute stature, au caractère opiniâtre et hardi, se retirait jadis, après ses défaites, du côté des montagnes, laissant aux envahisseurs la possession des villes et des châteaux. Il a dû, de guerre lasse, redescendre vers les plaines. Bien que façonné au joug et contraint de courber la tête, ce peuple n’a rien perdu de ses habitudes belliqueuses, il ne peut vivre sans ses armes, et cet aspect guerrier de la population kachemirienne n’est pas de nature à inspirer au voyageur l’idée d’un pays tranquille, où règnent le bonheur et la sécurité. Les derniers jours de splendeur pour le Kachemire remontent au temps de Djehanguir (1605-1628). Chaque année, l’empereur de Delhi venait y passer plusieurs mois avec sa cour, en compagnie de sa favorite Nourdjehan ; son séjour était marqué par une série de fêtes qui jetaient dans la contrée des sommes immenses. Les illuminations, les danses, les feux d’artifice, se succédaient comme dans un conte des Mille et Une Nuits. Avant lui, Akbar s’y était établi pour imprimer une action plus vigoureuse à la guerre qu’il soutenait contre les indigènes révoltés. À la fin du XVIIe siècle, Aurengzeb visitait aussi le Kachemire, si cher à tous les sultans de Delhi, et il y emmenait à sa suite Bernier, le premier Européen qui ait vu et décrit cette riche province.
À la même époque, Chardin admirait avec enthousiasme les belles villes de la Perse moderne et les monumens grandioses de l’ancien empire de Cyrus. Aujourd’hui les Mogols sont effacés, et il ne reste presque rien de la splendeur des Sophis : cependant on ne peut établir aucune comparaison entre l’Inde et la Perse. En passant, avec l’auteur du Patmakhanda, de l’Inde à la Perse, on est forcé de reconnaître qu’il n’y a pas sur la terre deux peuples qui se ressemblent moins que les Hindous et les Persans, et cette dissemblance est d’autant plus remarquable, qu’ils ont une origine commune.