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LE CANCIONERO


DE BAENA.[1]




Depuis que la critique moderne a rattaché l’interprétation des œuvres littéraires à la vie morale et politique des nations, l’étude des anciens monumens qui pouvaient la diriger dans cette voie féconde a pris un intérêt tout particulier. On ne se borne plus à ces arides et incomplètes récapitulations dans lesquelles semblait se résumer autrefois la tâche de l’histoire : on interroge la vie populaire, on aspire à pénétrer dans l’existence intime des générations éteintes, à déterminer les causes de leur développement intellectuel ou moral, les sources de leur grandeur ou de leur faiblesse. Le moyen âge est consulté dans ses vestiges les plus incultes ou les plus bizarres aussi bien que dans ses plus glorieuses créations, et l’impulsion donnée depuis un demi-siècle aux études historiques dans toutes les parties de l’Europe ne s’explique pas autrement que par cette direction nouvelle de l’esprit critique, s’élevant avec un zèle infatigable de l’étude des faits à celle des causes, du récit des événemens au tableau des civilisations et des sociétés.

En Espagne, comme ailleurs, il s’est trouvé des hommes d’un vaste savoir et d’une haute intelligence pour concourir, et, au besoin même, pour présider à cette exploration intellectuelle. L’histoire littéraire doit beaucoup aux efforts de MM. Duran, Gayangos, Hartzenbusch, Martinez de la Rosa, Gallardo, Bofarull, Ochoa. Un de ceux qui ont le plus fait toutefois pour relever dans ce pays les études historiques est sans contredit M. le marquis de Pidal. Ce n’est pas seulement à la tribune et dans la pratique des affaires que M. de Pidal a donné des preuves de ce qu’il y a chez lui d’élévation et de sagacité. Les qualités qu’il portait dans la vie publique, il a trouvé plus d’une occasion

  1. Un vol. in-4o publié à Madrid en 1851, d'après un manuscrit espagnol de la Bibliothèque nationale de Paris ; ce volume se trouve aussi à Paris, chez Baudry, "1 rue Malaquais.