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quitter la cour de Celle. On assurait cependant que ce dernier était resté dans la ville, et avait été vu rôdant aux alentours du château. Dès ce moment, des mesures d’excessive surveillance avaient été prises à l’égard de Sophie-Dorothée, qui ne sortait plus dans le jardin sans être accompagnée d’une grande-maîtresse et de deux suivantes, gardées à vue elles-mêmes par quatre laquais des mieux découplés.

Plusieurs semaines s’écoulèrent ainsi au milieu des scènes tragiques et des sanglots. Un jour enfin, l’impitoyable Bernstorff arriva dans le cabinet de George-Guillaume, tenant en main un message intercepté par sa police secrète. C’était une lettre adressée par Kœnigsmark à la princesse, lettre toute remplie d’amoureuses protestations, et qui se terminait par une proposition d’enlèvement.

— De mieux en mieux, fit le duc, le dénoûment me paraissait indiqué ; mais en attendant qu’il s’exécute, qu’on m’empoigne ce drôle et qu’on me le loge dans un des cachots de la tour.

— Le gaillard a bon pied, et le dépister n’est point chose si facile. D’ailleurs, en attentant à sa liberté, vous en faites un martyr, sur quoi la princesse s’exalte, et vous perdez toute chance de la ramener.

— C’est possible, mais que résoudre alors ?

— J’ai bien songé à un petit stratagème, reste à savoir si les scrupules de votre altesse lui permettront d’y recourir.

— Au diable les scrupules et les préambules ! Voyons.

— Supposons que Philippe de Koenigsmark écrivit à la jeune personne que, désespérant de jamais obtenir le consentement de ses illustres parens, il renonce à toute prétention ultérieure et la supplie d’agréer son adieu ?

— D’accord, mais comment amener Kœnigsmark à faire une telle démarche ? Crois-tu qu’à force d’argent ou de menaces on pourrait l’y contraindre ?

— Supposons maintenant que, de son côté, la princesse écrive audit jeune homme pour lui manifester son désir formel de se rendre au vœu de ses parens, exposant d’ailleurs que son choix, si elle eût été libre, se serait prononcé en faveur du prince Auguste, et qu’ainsi désormais il ne saurait y avoir d’espoir pour M. de Kœnigsmark :