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George-Guillaume ne tarda pas à recevoir avis de la prochaine arrivée de la duchesse Sophie à la cour de Celle, et il se hâta d’annoncer cette visite à Eléonore d’Olbreuse. Un nuage se répandit aussitôt sur le front de la comtesse. Dans sa position mal définie à la cour de Celle, Éléonore avait tant de fois essuyé les hauteurs et les dédains de la docte et altière princesse de Hanovre, que l’annonce seule de son arrivée suffit pour éveiller chez elle de fâcheux pressentimens. Cette fois pourtant la femme de George-Guillaume s’alarmait à tort. La duchesse Sophie arriva plus tôt qu’on ne l’attendait, et surprit son monde au milieu des préparatifs qu’on faisait pour la recevoir ; elle fut aimable, avenante, Familière, pleine d’à-propos, de grâce et de spirituelle bienveillance. Éléonore n’en revenait pas. Pour la première fois de sa vie, elle s’entendit appeler : ma belle-sœur, ce qui ne lui permit plus de conserver le moindre doute sur les projets qu’on devait nécessairement avoir en tête. George-Guillaume flaira aussi quelque intrigue ; seulement, l’avare étant chez lui plus encore aux aguets que le père, il crut qu’on n’en voulait qu’à sa bourse et se promit d’en serrer les cordons. Comme on pense, la duchesse n’eut garde d’oublier le vieux Bernstorff, et ce ne fut qu’après s’être préalablement assurée par des argumens irrésistibles du concours du madré diplomate qu’elle résolut d’aborder la question avec George-Guillaume. Sophie mit à développer sa thèse auprès du vieux duc beaucoup de chaleur, de conviction et d’entraînement. Conjurer un avenir chargé de procès et de guerres, écarter les haines de famille et les contestations sanglantes, fondre en une seule principauté deux duchés que toute autre combinaison enlèverait plus tard au pouvoir de la maison des Guelfes, n’y avait-il point là plus de motifs qu’il n’en fallait pour dominer de petites susceptibilités de naissance et de rang, susceptibilités mal justifiées d’ailleurs, puisque la gracieuse Éléonore d’Olbreuse avait, dès le premier jour, été la femme selon Dieu et selon l’église de George-Guillaume, qui depuis l’avait solennellement admise à partager tous ses droits souverains ? Les avantages que sa politique et les intérêts généraux de la maison des Guelfes devaient retirer d’une telle union ressortaient si clairement, qu’il ne vint pas à l’idée de George-Guillaume d’opposer à ce sujet la moindre objection au vœu de la duchesse. Malgré son peu de goût pour le prince héréditaire de Hanovre, dont il connaissait le caractère égoïste et hautain, l’espoir d’une couronne électorale pour sa fille l’attirait presque irrésistiblement vers ce mariage. Voir dans l’avenir Sophie-Dorothée électrice, quel triomphe ! et dire que la perspective, loin de s’arrêter là, s’ouvrait jusque sur le trône d’Angleterre ! La fille d’Eléonnre d’Olbreuse reine de la Grande-Bretagne ! un couple guelfe assis royalement sur l’un des plus puissans trônes